Les progrès contre le sida au Zimbabwe, encourageants, ne sont pas surprenants.
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Le soin avec lequel les media de par le monde épluchent les déclarations de l’Église sur le sida ne peut que signifier leur souci de promouvoir ce qui a le plus participé à la diminution de ce fléau. Vrai de vrai? Alors pourquoi n’avez-vous eu aucun écho de la chute spectaculaire du sida au Zimbabwe? De près de moitié, de 29 % de la population adulte en 1997 à 16 % en 2007, selon une importante étude publiée en février dernier. Cette étude a été brièvement citée par le New York Times, mais les résultats n’ont eu aucun écho car la diminution ne s’est pas produite selon les méthodes couramment pronées.
En deux mots: le changement de comportement sexuel — diminution des relations de rencontre, hors mariage ou vénales — explique la chute du sida. L’emploi de préservatifs n’a pas augmenté au cours de cette période; il avait augmenté sensiblement auparavant, mais était resté stable alors que la transmission du virus VIH chutait rapidement — donc les préservatifs n’expliquent pas cette réduction. Le progrès ne relève pas, comme on le raconte, de la permissivité du Vatican à propos du préservatif.
Pour les auteurs de l’étude, ces changements de comportement méritent qu’on les cite avec bien plus d’insistance. Il faut leur rendre cette justice qu’ils le font clairement et fermement, car la doctrine-reine de « réduction du risque » a toujours cours dans les milieux médicaux — en dépit de son échec constant et flagrant à maîtriser le sida et autres épidémies. Cette étude fait pourtant sans doute un peu trop la part belle à cette doctrine en qualifiant le succès du Zimbabwe de « surprenant ».
Surprenant ? Le Zimbabwe est juste sur le chemin de la réussite. Le déclin du virus VIH dans une poignée de pays africains est toujours principalement attribué à la diminution du nombre de partenaires. En fait la propagande pour le préservatif n’a nullement renversé la lourde épidémie qui frappe l’Afrique, selon une étude rigoureuse commandée — puis scandaleusement mise sous le boisseau — par UNAIDS (ONUSIDA). En d’autre termes, si le déclin du sida au Zimbabwe était dû aux préservatifs, ce serait l’exception à la règle.
En conclusion, l’étude cite d’autre facteurs qui, longtemps considérés (bien que sans base avérée) comme participant à la lutte contre le sida, tels que la peur et la baisse des revenus, pouvaient jouer un petit rôle.
Reconnaissant que la peur du sida a été fortement déniée, les activistes occidentaux persistaient à proclamer que l’agiter ne ferait que stigmatiser le fléau et « entrainerait l’épidémie dans la clandestinité ». Mais risquer d’exposer un être cher à la souffrance et à la mort par le sida pourrait raisonnablement, rationnellement, inciter à une plus grande prudence dans le comportement sexuel. Et, de fait, nombre de Zimbabwéens déclarent que c’est le cas.
À dire vrai, l’interdiction d’une saine crainte du sida est simplement une autre manifestation de la croyance moderne séculière (obligatoire) selon laquelle les comportements devant l’épidémie de VIH doivent être totalement libres et exemptés de toute réprobation. C’est, bien sûr, une tactique d’intimidation, et non une arme efficace dans l’arsenal de la santé publique. Rassurer en chouchoutant au lieu d’insister sur le risque, voilà qui est vraiment contre-productif.
La pauvreté, nous dit-on, est un facteur aggravant de l’épidémie. Mais on sait depuis longtemps que c’est parmi les pays les plus pauvres d’Afrique qu’il y a le plus bas taux de sida, alors que parmi les plus riches on trouve le plus grand nombre de cas. Et dans les pays les plus atteints, le sida est plus répandu dans les classes aisées que chez les pauvres. Ceci peut sembler contredire l’intuition, mais sans moyens, les gens ne peuvent guère s’offrir et entretenir une multiplicité de partenaires propice à la prolifération de l’épidémie. La dureté des temps, l’anxiété causée par la crise économique subie par le Zimbabwe au cours de la dernière décennie, ont eu une contrepartie bénéfique. Mais, heureusement, une crise économique n’est pas la condition première d’un changement de comportement.
La pauvreté dûe à un utilitarisme sauvage et rude, où le bien est assimilé à la sécurité et où l’espoir de meilleures conditions d’existence demeure un mauvais rêve, est un tout autre sujet. Cette pauvreté intellectuelle et spirituelle répandue dans un monde aisé envahit la politique de prévention contre le virus VIH, mais rien ne prouve qu’elle soit aussi efficace contre le sida qu’une forme de pauvreté matérielle. Néanmoins de nombreux responsables de santé publique semblent toujours persuadés que des progrès économiques — généralement supposés engendrés par une forme de redistribution — sont une condition préliminaire au contrôle du sida.Comme le Dr. Carlos del Rio, de l’Université Emory l’a récemment énoncé: « Vous demandez comment réduire le poids du virus VIH aux États-Unis?» je répondrai « que faire pour réduire la pauvreté aux États-Unis?».
Il voulait manifester de la grandeur d’âme, et reçut les applaudissements pour ces sentiments, mais celà révèle des préjugés philosophiques peu flatteurs sur la nature et les facultés de l’homme. Sommes-nous en droit de penser qu’en-dessous d’un certain seuil de pauvreté les gens sont incapables de maîtriser leur comportement? (Ou que nul ne peut, ni ne devrait, changer, mais qu’au-dessus d’un certain niveau de vie les gens suivront rigoureusement les recommandations techniques qui, jusqu’à présent, ont échoué à freiner l’épidémie?).
Les gens seraient donc considérés comme incomplètement humains — des êtres soumis à la fourniture constante de « services » — alors que seraient totalement rejetées les possibilités d’influences sur leur comportement. S’il parlait d’une forme particulière, principalement occidentale, de pauvreté — misère, crasse, désespoir, résultant d’un mode de vie plutôt que d’un manque de moyens — alors son raisonnement semblait mieux fondé.
Le progrès du Zimbabwe fait chaud au cœur, mais il ne faut plus le considérer comme surprenant. Il renforce la prépondérance de l’évidence, et annule tout ce qui tenterait de justifier le rejet du changement de comportement comme LE remède pour éviter le sida. Mais, hélas, il serait surprenant que les responsables de santé publique suivent ce conseil sans s’excuser. Pour les gens aveuglés par ce qu’ils voudraient croire, même si rien ne le prouve, l’abandon de leurs idées leur ferait trop de peine.
Après avoir obtenu une maîtrise de santé publique en 2000 à l’université Emory, Atlanta, Matthew Hanley a travaillé jusqu’en 2008 en tant que conseiller technique sur le VIH/sida auprès du Secours catholique des Etats-Unis. Il s’est spécialisé dans la prévention du VIH et dans les soins à domicile apportées aux personnes vivants avec le VIH/sida. A l’heure actuelle, il se trouve en Californie et écrit des articles traitant de santé publique, d’éthique et de culture.
http://www.oeuvre-editions.fr/L-amour-face-au-sida
L’amour face au sida
compte-rendu du livre de Jokin de Irala et Mattew Hanlay, in France Catholique n°3262, page 14.
L’église catholique, qui prend en charge 27% des malades atteints du sida dans le monde, est-elle coupable de sous-estimer le rôle du préservatif dans la lutte contre l’épidémie ?
Dans leur livre L’amour face au sida (déjà publié en espagnol et en anglais), les épidémiologistes Mattew Hanley et Jokin de Irala, le premier américain, le second espagnol, analysent les effets de la politique soutenue par les instances décisionnelles planétaires, OMS, ONUSIDA (ainsi que la plupart des ONG qui partagent la philosophie de ceux qui les financent), et constatent a contrario que la promotion de l’usage du préservatif, solution technique, n’engendre qu’une réduction très partielle des risques.
Pour faire réellement reculer le nombre des contaminations, un changement de comportement est nécessaire : seuls les États africains ayant fait le choix de la « Stratégie ABC », « A » (pour abstinence), « B » pour « be faithful » (être fidèle) et « C » pour « condom » (usage du préservatif) ont d’ailleurs vu régresser sérieusement l’épidémie, les deux premiers éléments, abstinence et fidélité, étant essentiels pour une réelle réduction des risques, le préservatif n’étant utilisé que comme un recours ultime. Une diminution des taux de contamination au VIH n’a été observée que là où il y avait eu des changements radicaux dans le comportement sexuel.
Chercher à modifier le comportement des gens n’est pas seulement plus efficace mais, soulignent les auteurs, représente un retour au bon sens du principe médical élémentaire de la prévention. Prévenir la transmission du VIH constitue une urgence dans certaines parties du monde comme l’Afrique, où existent de grandes difficultés à fournir des soins médicaux adéquats.
Hanley et de Irala utilisent la comparaison avec la consommation de tabac. Peut-être qu’un jour il a pu paraître utopique de vouloir modifier une situation dans laquelle 75% des gens fumaient, mais les autorités sanitaires ont pris des mesures qui ont conduit à modifier ce comportement. Pourquoi alors, s’interrogent-ils, quand il s’agit de tabagisme, cholestérol, vie sédentaire, consommation excessive d’alcool, les autorités estiment-elles nécessaire et opportun de modifier les comportements correspondants, et pas dans le cas des maladies associées au comportement sexuel ?
De plus, celui qui n’utilise qu’une « technique » de réduction de risques, en perd souvent le bénéfice en « compensant », en prenant plus de risques que s’il n’avait pas utilisé cette technique : c’est ce qu’on appelle le « risque compensatoire ». Ce qui est le cas dans l’usage exclusif du préservatif.
Malgré ces faits et d’autres éléments de preuve fournis dans le livre, les auteurs soulignent que les documents des Nations Unies sur le Sida continuent à considérer l’usage du préservatif comme la technique la plus efficace pour la prévention de la maladie.
On comprend que les propos de Benoît XVI lors de son voyage au Cameroun aient été intentionnellement déformés ! La conscience occidentale postmoderne qui exalte une liberté sans limite dans la recherche du plaisir, ne peut que rechercher des solutions techniques aux conséquences indésirables de l’activité sexuelle. L’Église, au contraire, comme le souligne Mgr Marc Aillet dans sa postface, propose le chemin de la loi naturelle et des commandements de Dieu : « Bien loin d’être un carcan, c’est un chemin, certes exigeant, mais qui permet à l’homme de devenir en plénitude ce qu’il doit être, et qui le conduit vers la véritable liberté et vers le vrai bonheur. »
Comme je le dis dans la préface : « Il nous faut remercier Mattew Hanley et Jokin de Irala pour cet ouvrage vivifiant qui rétablit la vérité sans fausse honte et nous amène à regarder les choses en face. Rendons-nous compte que s’il touchait suffisamment de monde pour amener un grand mouvement de fond qui change l’actuelle politique insensée de prévention du sida on pourrait avoir l’espoir de sauver des millions de vies humaines.
Dr Patrick Theillier
Jokin de Irala et Mattew Hanley, L’amour face au sida, L’Œuvre, 224 pages, 18 e.