William Cavanaugh - France Catholique
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Noël : Dieu fait homme
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William Cavanaugh

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Je comprends que Denis Sureau, président des éditions de L’Homme Nouveau se soit passionné pour le courant Radical orthodoxy et en particulier William Cavanaugh !

« Le mythe de la violence religieuse » qu’il a publié de ce théologien américain est, à mon sens, un des essais les plus importants parus ces dernières années. Important pour la philosophie politique d’abord ! Je suis, en effet, persuadé qu’il remet en cause certains concepts fondateurs de cette philosophie depuis le XVIe siècle. Celle-ci est fondée sur l’idée que l’État moderne est le produit des guerres de religion, parce qu’il fallait faire la paix civile et qu’il était le seul en mesure de l’imposer à l’encontre de la violence religieuse déchaînée. Or Cavanaugh démontre qu’il s’agit d’une contre-vérité historique : ce n’est pas la division religieuse qui a produit la violence, c’est l’État moderne en formation qui est à l’origine des conflits parce qu’il s’est notamment emparé du religieux pour affirmer sa puissance. Pardon, mais il s’agit d’une véritable révolution philosophique, conceptuelle, qui met à bat tout l’édifice de la pensée politique!

Je ne puis ici reprendre la démonstration de Cavanaugh. Il faut le lire pour se convaincre de la pertinence de sa thèse. Mais je veux insister sur une des conséquences de ce renversement. Que nous dit-il ? En deux mots: n’ayez pas peur non seulement d’agir en chrétiens dans la cité, mais d’agir aussi en tant que chrétiens. Contrairement au préjugé aujourd’hui le mieux établi, ce n’est pas le confinement du religieux dans ce qu’on appelle l’espace privé qui permettra un meilleur service de l’intérêt général. Non, il faut que l’Église s’affirme comme corps eucharistique dans l’espace public, pour être en mesure de servir le bien commun. Ici, ce n’est plus seulement une révolution politique, c’est une révolution dans la mentalité catholique, autant que chrétienne, contemporaine. C’est le grand Jacques Maritain qui avait été à l’origine de cette distinction : agir en chrétien et en agir en tant que chrétien. William Cavanaugh la récuse. Il est en faveur d’une visibilité totale de l’Église dans l’espace public, l’Église corps eucharistique, car ce corps est nécessaire à la cité.

Les chrétiens se sont résignés à ce qu’on appelait en France « l’enfouissement », c’est-à-dire la non-visibilité par peur d’être trop arrogant par rapport aux autres, et parce qu’ils avaient intégré aussi le préjugé selon lequel c’était la laïcité intégrale qui permettrait la paix civile. Dieu sait si c’est une question actuelle! On ne cesse de nous répéter que devant la menace du religieux, il faut étendre la protection de la laïcité sur le corps social. Cavanaugh et ses amis n’ont pas peur de bousculer la bien-pensance laïciste. Attention, ils ne nous disent pas qu’ils veulent revenir à l’État confessionnel, ils ne remettent pas en cause le pluralisme actuel, ni l’État libéral. Ils pensent que dans ce cadre-là les chrétiens doivent affirmer leur spécificité. Celle-ci ne consiste pas dans une obsession de l’identité comme on dit aujourd’hui, mais dans la libre expression d’une existence selon la foi et selon la grâce, où la liturgie joue d’ailleurs un rôle privilégié. Il est heureux que le courant théologique, dont Cavanaugh est un des plus brillants représentants, vienne, notamment, grâce à Denis Sureau, secouer nos conformismes et provoquer les débats les plus salutaires.

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