Journaliste, j’ai décidément des confrères formidables. Leur compétence est universelle. Je les observe disserter en ce moment sur la décision du pape, en tirant gravement des leçons sur la nature de l’institution romaine et sa nécessaire mutation. Je parlais hier de l’obsession d’une adaptation à la modernité. Ça continue de plus belle. On ne sait pas très bien ce que c’est que cette modernité. Il faudrait s’expliquer longuement là-dessus, à l’aide de multiples spécialistes, historiens, philosophes, sociologues, sans d’ailleurs être sûr de trouver un accord, d’autant que la contradiction même est au cœur du concept. Un Baudelaire, qui l’a quasiment inventé, était le premier à refuser de sacrifier à son culte.
Et puis on parle aujourd’hui d’une post-modernité qui invaliderait les assises de la modernité, en s’installant dans un régime de crise perpétuelle. Je vois bien que la frénésie de beaucoup à secouer l’institution papale s’explique en partie par le désir de la placer dans leur régime d’incertitude et de crise perpétuelle. L’existence même d’un pape est une sorte de scandale à leurs yeux. Leur vœu secret, n’est-ce pas ces pauvres filles qu’on appelle les femen qui l’expriment ouvertement : en finir au plus tôt avec cet anachronisme insupportable. Pourtant, ils devraient se désintéresser du sort du successeur de Benoît XVI. Ils nous expliquent à longueur de colonnes que le catholicisme est out, qu’il va mourir. Alors, pourquoi cette curiosité et surtout pourquoi cette prétention de réformer ce à quoi l’on est complètement étranger ?
Mais voilà ! Cela fait partie des paradoxes intéressants de notre temps. En fait, ils sont tous passionnés par le sort de cette institution qu’ils exècrent. Ils ont tous leur idée là-dessus, bien qu’ils prétendent appartenir à une tout autre culture. Car, dans ce domaine, il n’est possible de réfléchir avec quelque pertinence qu’à l’intérieur de la culture chrétienne, en saisissant l’origine de cette primauté de l’Église de Rome, qui est établie dès la génération qui suit celle des apôtres. Mais nos modernes n’ont guère le temps de lire Clément de Rome où Irénée de Lyon. C’est dommage, car ils apprendraient beaucoup de choses et découvriraient que c’est beaucoup plus actuel et pertinent que toutes leurs spéculations.
Chronique lue sur Radio Notre-Dame le 14 février 2013.