Les éditions du Cerf viennent de publier la correspondance – du moins les lettres qui ont été conservées – entre deux cardinaux qui furent d’abord des théologiens majeurs au XXe siècle, Jean Daniélou et Henri de Lubac. Il s’agit d’un document intéressant pour comprendre l’effervescence intellectuelle du monde catholique de l’époque, notamment en ce qui concerne la redécouverte des Pères de l’Église et leur publication dans la fameuse collection Sources chrétiennes. Mais on trouve aussi dans cette correspondance, tout au moins pour la dernière période, la préoccupation commune des deux hommes pour certaines dérives dans l’Église, notamment à propos de la dévaluation du sacerdoce ministériel.
Le P. de Lubac, avec le total soutien du P. Daniélou, se montre radical. Pour lui, cette dévalorisation signifie la destruction de l’Église. Dans les circonstances actuelles, je me permets de demander ce que les deux théologiens penseraient des affirmations répétées à l’égard des prêtres dont on conteste « l’autorité sacrale », sans bien préciser toujours de quoi il s’agit. Veut-on s’en prendre tout bonnement à l’autorité spirituelle ? S’il est vrai que celle-ci s’est trouvée dévoyée dans des conditions honteuses, est-ce une raison pour en récuser le principe ?
Lorsque sainte Catherine de Sienne fustigeait – avec quelle énergie ! – les vices du clergé de son temps, c’était pour le rappeler à l’ordre afin qu’il retrouve la pleine intégrité de sa mission. Il ne lui serait jamais venu à l’idée de remettre en cause l’autorité spirituelle en elle-même. Peut-être faudra-t-il, après avoir subi l’épreuve pénible qui est la nôtre, revenir au mystère du sacerdoce, ne serait-ce qu’en relisant Bernanos. Mais serait-ce trop demander à nos sociologues bourdieusiens ?