Voile intégral : Que veut-on faire ? - France Catholique
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Le martyre des carmélites
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Voile intégral : Que veut-on faire ?

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Tout a commencé le 17 juin 2009. A l’initiative d’un député communiste, André Gérin, 57 députés de toutes tendances demandaient la création d’une commission d’enquête sur le port en France de la burqa. L’Union des organisations islamiques de France dénonça « une manœuvre propre à encourager les amalgames », alors que le recteur de la mosquée de Paris « déplorait » la tendance croissante à revêtir la burqa. Plusieurs ministres et secrétaire d’État (dont Fadela Ama­ra) se ran­­gèrent dans le camp de l’interdiction, d’autres personnalités de droite se montrèrent opposées à une intervention du législateur et furent rejointes sur ce point par des personnalités de gauche et d’extrême- gauche, et par l’archevêque de Paris.
La question fut à nouveau posée lors du débat sur « l’iden­tité nationale » et c’est en janvier dernier que la commission parlementaire préconisa une interdiction du voile intégral dans les lieux publics.

Nous étions alors en pleine campagne pour les élections régionales et la burqa devint le marqueur de diverses prises de positions tactiques à l’intérieur des partis : on se souvient des déclarations de Jean-François Copé pour l’interdiction et de la présentation d’une candidate voilée sur les listes patronnées par Olivier Besancenot. Mais, dans le même temps, le débat prenait – enfin – une tournure juridique.

Certains professeurs de droit ont rappelé qu’il est déjà interdit de se présenter visage masqué à la sortie d’une école pour chercher son enfant, dans les banques et dans les services publics. On vient de voir qu’une femme au volant portant le voile a été verbalisée par la police.1 Bien entendu, les photos d’identité sont prises à visage découvert. Une femme intégralement voilée ne peut donc pas vivre une existence normale en France.

Puis le Conseil d’État vint rappeler ce que le grand sociologue Émile Poulat a souvent expliqué lors du débat sur le « voile islamique » : au lieu de s’enliser dans le débat sur la signification du voile, au lieu d’invoquer un principe de laïcité qui ne veut rien dire lorsqu’il est appliqué à la circulation du citoyen sur la voie publique, le plus simple est de recourir à la classique notion d’ordre public. Si le port d’un quelconque insigne ou vêtement religieux ou politique (pensons aux « chemises » noires ou vertes de naguère) trouble manifestement l’ordre public (manifestations, bagarres) les autorités locales prennent des mesures d’interdiction selon les lois en vigueur. Sinon, il n’y a pas lieu d’intervenir. Mais les lois et décrets concernant les personnes qui se masquent le visage pourraient être précisés.

Cet avis n’a pas impressionné le président de la République, qui s’est prononcé pour une interdiction totale, et le Premier ministre a déclaré que le gouvernement était prêt à prendre un « risque juridique ». Une loi sera probablement votée mais, comme tant d’autres textes juridiques, elle ne sera que peu ou pas appliquée : veut-on vraiment que la police, en sous-effectifs, pourchasse les femmes en burqa à la manière dont la police iranienne traque et embarque les femmes qui, a contrario, laissent voir quelques mèches de cheveux ?

Surtout, la loi d’interdiction totale se heurterait à la censure du Conseil constitutionnel pour atteinte à la liberté individuelle (article 2 de la Déclaration de 1789) et à la libre expression des opi­nions proclamée par l’article 10 : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la Loi ». La Cour européenne des droits de l’homme pourrait aussi avoir son mot à dire…

Dès lors, que veut-on ? Envoyer un signal à une fraction de l’électorat, qui serait principalement déterminée par son opposition à l’islam ? Un tel message n’a pas conforté la majorité aux récentes élections régionales. Convaincre les islamistes de s’intégrer ? Est-ce la bonne méthode ?

  1. Le ministre de l’Intérieur Brice Hortefeux a fait savoir, le 23 avril, que le mari de la femme de 31 ans verbalisée le 2 avril à Nantes pour port du Niqab au volant, était polygame (4 femmes) et risquait donc la déchéance de la nationalité française.