Vladimir Ghika : « Une profondeur qui rayonnait » - France Catholique
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Vladimir Ghika : « Une profondeur qui rayonnait »

Mgr Ghika était aussi à l’aise dans un bidonville qu’auprès des élites de son temps. Missionnaire, prélat écouté du pape, serviteur des pauvres, il a puisé son inébranlable énergie dans l’eucharistie et l’imitation du Christ, jusqu’au martyre.
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Dimanche 7 octobre 1923, chapelle des Lazaristes à Paris, rue de Sèvres. En présence de « toutes les têtes couronnées et découronnées d’Europe », selon les journaux de l’époque, se déroule ce jour-là une ordination peu ordinaire, célébrée par le cardinal Dubois, archevêque de Paris. L’ordinand, Vladimir Ghika, a 50 ans. C’est un prince roumain, cousin de toutes les dynasties européennes. Baptisé et confirmé dans l’église orthodoxe, il s’est converti au catholicisme à l’âge de 29 ans. Depuis vingt ans, il a été l’ambassadeur officieux de Pie X et Pie XI, pour des missions délicates à travers le monde.

Le philosophe Jacques Maritain assiste à l’événement avec son épouse. « Le plus beau de tout fut le prince Ghika lui-même, tout en Dieu, raconte Raïssa : nous l’avons vu après son ordination, debout, vêtu de l’aube, lorsqu’il donnait ses mains à baiser dans un geste digne d’Angelico, tant il exprimait d’humilité et d’abandon. » Même impression, le lendemain, pour une religieuse assistant à sa première messe, en la chapelle de la rue du Bac : « À ma surprise, je vois avancer un prêtre aux cheveux blancs, à la longue barbe blanche : un personnage d’icône. Son regard reflétait une profondeur qui rayonnait sur tout son être. Il avançait sans hésitation ; sa démarche était celle de celui qui avance vers une nouvelle vie. Il entrait dans la Terre promise après une longue route. »

Mgr Ghika (1873-1954) est inclassable, tant il rassemble de vies en une seule. Missionnaire laïc puis prêtre et prélat, apôtre des pauvres et des intellectuels parisiens, mort dans une geôle communiste, il résume le XXe siècle. Il était à l’aise partout : dans les cours des monarques européens ses cousins, au Vatican où il avait en permanence accès au pape, avec les grandes intelligences de son temps comme avec les miséreux.

Une jeunesse cosmopolite

La famille Ghika compta dix princes régnant sur la Moldavie et la Valachie. Vladimir est le petit-fils de Grégoire V Ghika, dernier prince de Moldavie avant la création du royaume de Roumanie. Il est né le 25 décembre 1873 à Constantinople où son père, le prince Jean Ghika, général, était agent diplomatique auprès du sultan, la Roumanie n’étant pas encore indépendante de l’empire ottoman. Sa mère était la princesse Alexandrine Moret de Blaramberg, d’origines moldave, française et russe. Leur château familial, Bozieni, près du grand monastère orthodoxe de Neamt, est au centre de la Moldavie roumaine.

Vladimir est le cinquième enfant d’une famille de six. Dès l’âge de 5 ans, il part pour la France avec son frère Démètre, son cadet d’un an – ils seront liés toute leur vie comme des jumeaux. La famille est francophile et francophone, comme tous les nobles d’Europe à l’époque. Vladimir est déjà préparé à l’œcuménisme : éduqués dans un pays catholique, ces jeunes orthodoxes ont une gouvernante protestante. Il fait ses études à Toulouse, jusqu’à la licence de droit. Puis les deux frères montent à Paris pour « faire » l’École des Sciences politiques. En 1898, ils se retrouvent à Rome. Démètre est devenu diplomate. Vladimir poursuit ses recherches historiques, s’intéresse au catholicisme qu’il songe à rejoindre malgré les réticences de sa mère. Il ne s’agit pas pour lui d’un simple changement de confession, il envisage une vie consacrée à Dieu. Le 13 avril 1902, il devient officiellement catholique.

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