Reviendrait-on à la bonne vieille correspondance d’antan ? On dit, ici ou là, qu’avec les messages sur internet, le courriel, cela pourrait revenir. Mais il arrive encore que l’on reçoive une belle et longue lettre à vous délicatement adressée et que l’on a envie de conserver dans ses dossiers. Ainsi, récemment, j’ai reçu une telle missive de la part du professeur Gérard Cholvy, professeur émérite à l’université Paul Valéry de Montpellier. Auteur d’une œuvre importante, il a notamment écrit avec son collègue Yves-Marie Hilaire une histoire contemporaine du christianisme que je tiens pour indispensable. Mais c’est à propos de nos rapports de chrétiens avec l’Islam qui s’adressait à moi, à partir d’une remarque incidente d’un de mes articles. J’avais esquissé l’opinion selon laquelle durant la période coloniale, les esprits étaient moins rebelles à la coexistence avec les populations musulmanes et moins apeurées par leur religion.
Oui, mille fois, m’écrit le professeur Cholvy, je confirme. Fort de 25 ans de présence au Maroc où il est né et où il a enseigné, notamment au lycée Lyautey de Casablanca, il explique : « Ce qui a pu se passer?
1) Notre société occidentale a divergé, évolué, beaucoup plus rapidement à propos du statut de la femme, la mixité scolaire, le voyeurisme vulgaire… Tout ce qui choque maintenant, chez nous, des primo-arrivants musulmans n’existait pas.
2) Aujourd’hui des musulmans croyants méprisent « les français »: « Les Portugais eux sont croyants. ». Le mépris pour les infidèles est nettement perceptible et… radicalise l’islam (au risque de l’Islamisme). Quand les élèves musulmans perçoivent en face d’eux un professeur croyant, tout se passe mieux, une relation de confiance peut s’établir. » Mais, me précise Gérard Cholvy, les inspecteurs interdisent ce genre d’aveu et il me livre des exemples précis de ce genre de rapport avec différents élèves, tel ce petit-fils de harki qui lui confie: « Monsieur, sans ma religion je serais un voyou. » « Nous prions l’un pour l’autre, je crois l’avoir fait évoluer sur certains points. »
Mon correspondant insiste encore sur l’effroi devant les ravages de la société de consommation: « C’est ça les chrétiens! » Souvent l’Islam agit comme une barrière pour se protéger alors que l’on ne le connaît pas toujours très bien. » Evidemment, lorsque le professeur s’engage dans un dialogue un peu suivi avec des étudiants convaincus, il sait que ses interlocuteurs pensent qu’ « il ne lui manque que d’être musulman ». Parfois un étudiant pousse son avantage, pour suggérer de faire venir Tarik Ramadan. Autre exemple de dialogue: « Vous voulez me donner le meilleur de vous-même, votre foi musulmane, vous avez raison, moi j’aimerais vous donner le meilleur de moi-même, le christianisme. » Mais là, affirme Gérard Chaulvy, nous nous trouvons dans une logique de prosélytisme, celui que l’on pratique avec douceur et respect, et qui n’est plus très bien vu par beaucoup de chrétiens.
Par ailleurs, il ne faudrait pas que notre héritage chrétien soit caricaturé comme c’est le cas dans certains manuels d’histoire du secondaire. Et de conclure: continuons à faire ce que nous savons faire, perinde at cadaver comme le disaient les jésuites. »
Voilà, j’ai résumé cette excellente lettre, avec l’autorisation de son signataire, et j’en soumets le contenu à la sagacité bien connue de mon ami Rémi Brague!
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Le colloque de l’AED : vivre avec l’Islam ?
En plein débat sur l’identité nationale en France, et alors que les difficultés que rencontrent les chrétiens dans certains pays sont manifestées de manière dramatique ces dernières semaines, cette question s’inscrit au cœur de l’actualité.
L’objectif essentiel de ce colloque est d’aborder les choses de manière constructive : que fait l’Eglise aujourd’hui, et que devrait-elle faire de plus ou de mieux face aux défis posés par l’islam?
Seront présents Mgr Sleiman (évêque de Bagdad), Mgr Aillet (évêque de Bayonne), Rémi Brague, le Père Samir Khalil Samir (islamologue), Annie Laurent (journaliste et écrivain), Alain Besançon, Xavier Lemoine (maire de Montfermeil), le Père Vandevelde (aumônier du Val de Grâce), le Père Roucou (directeur du Service national pour les Relations avec l’Islam au sein de la Conférence des Evêques de France), Mohamed-Christophe Bilek (fondateur de la Fraternité ND de Kabylie) et Cyril Tisserand (fondateur de l’association le Rocher).
INFOS PRATIQUES:
Pas de déjeuner prévu sur place
Réservation indispensable, nombre de places limitées.
Inscription auprès de Raphaëlle Autric : r.autric@aed-france.org
Possibilité de prise de rdv pour itv des intervenants.
Le Programme:
VENDREDI 12/02
14h Accueil par Marc Fromager
14h15- 14h45 Rémi Brague : Dieu des chrétiens, Dieu des musulmans
14h45 – 15h15 Annie Laurent : L’islam et la personne humaine
15h15- 15h45 Pause
15h45- 16h15 Mgr Sleiman : La dhimmitude ou l’altérité amputée
16h15 – 17h Table ronde Père Samir + Annie Laurent + à préciser
Islam et Modernité
17h – 17h45 Q/R
18h Conclusion de la journée MF
SAMEDI 13/02
9h Accueil par Marc Fromager
9h30 – 10h Cyril Tisserand : En mission au cœur des cités
10h – 10h30 Xavier Lemoine : Un élu face aux problèmes de terrain
10h30 – 11h Moh-Christophe Bilek : Quelle place dans l’Eglise pour les musulmans convertis ?
11h Pause
11h30 – 12h Mgr Aillet : L’islam en France, un défi pour la mission
12h – 12h45 Q/R
14h30 – 15h Père Vandevelde : Quel dialogue avec l’islam ?
15h – 15h30 Alain Besançon : Quelle attitude de l’Eglise face à l’islam ?
15h30 – 16h15 Table ronde
Quelles perspectives pour les chrétiens ? Père Roucou + Mgr Sleiman + à préciser
16h15 – 16h45 Pause
16h45 – 17h15 Père Samir Khalil Samir : Annoncer le Christ aux musulmans en Europe
17h15 – 18h Q/R
Conclusion Marc Fromager