En sortant du cinéma l’autre jour, j’ai entendu deux femmes qui parlaient d’Andy Garcia, la vedette du film que nous venions de voir, For Greater Glory/ Pour une gloire plus grande. Il était clair qu’elles avaient non seulement trouvé Monsieur Garcia très sexy, mais elles croyaient aussi qu’il avait écrit, dirigé et monté le film. Erreur, il n’a pas fait tout cela. Puis, l’une d’elles dit :
« Tu sais, le sujet du film, c’est vraiment l’attaque d’Obama contre notre liberté de religion. »
Eh bien, ce n’est pas cela non plus : les prises de vues ont commencé en 2010, bien avant que « la liberté de religion» ne devienne l’expression à la mode.
J’avais envie de voir ce film parce qu’un de ses acteurs, Eduardo Verástegui, est un catholique fervent, mais je craignais qu’il ne soit (et d’une certaine manière il l’est) le genre de film bruyant dominé par des effets spéciaux dont on espère qu’ils ne cacheront pas les scènes importantes par des explosions qui paralysent l’esprit, des globes de feu, de la fumée de canon et surtout parce qu’il est dirigé par Dean Wright dont c’est le premier film ; c’est un génie chevronné des effets visuels qui a travaillé avec James Cameron du Titanic et Peter Jackson de Lord of the Rings et sur les films Narnia.
Et que penser du fait qu’au Mexique For Greater Glory est devenu, comme l’a dit M. Garcia (aussi catholique) pendant une interview récente : « le second plus grand succès depuis Titanic »
Est-ce que tous ces amateurs de cinéma sont venus à cause des ZOOM ! BOUM ! ou était-ce peut-être à cause de cette ligne du dialogue en espagnol que l’on entend dans la présentation américaine du film : « Viva Cristo Rey » ? Vive le Christ Roi ! ce n’est pas le genre de chose que l’on entend habituellement à la télévision.
Mais je vais trop vite.
Vous savez sans doute déjà que le sujet du film est la guerre des Cristeros de 1926-1929 (en espagnol La Cristiada), un mouvement contre-révolutionnaire pendant lequel les catholiques se sont efforcés de renverser le gouvernement laïque mexicain qui avait commencé à appliquer les décrets anticléricaux de la constitution de 1917.
L’article 30 est un exemple effrayant de ces décrets : « …l’Etat et les Eglises sont des entités séparées l’un des autres. Les églises et les congrégations religieuses seront organisées selon la loi » [mise en relief ajoutée]. Pie XI a condamné tout ceci dans son encyclique Iniqui Afflictisque de 1926 1, quoiqu’il n’ait, en fait, jamais offert son soutien aux Cristeros.
Sous le gouvernement du président athée du Mexique, Plutarco Elias Calles, « les biens de l’Eglise ont été saisis, tous les prêtres étrangers expulsés, et les monastères, couvents et écoles religieuses fermés. » D’où la révolte, et d’où le film.
M. Verástegui a appelé For Greater Glory la Liste de Schindler 2 du Mexique. Et comme lui, mexicain, et M. Garcia, cubain-américain, l’ont déclaré, les événements authentiques décrits dans le film ont été oubliés pendant des générations, même au Mexique.
Cela peut être expliqué par le fait que seulement un petit nombre des participants est sorti de la guerre des Cristeros couvert de gloire, sauf les martyrs. (Une excellente source d’informations est le premier chapitre de The Catholic Martyrs of the Twentieth Century: A Comprehensive World History (Les martyrs catholiques du vingtième siècle : une histoire d’ensemble du monde), écrit magistralement par mon collègue, Robert Royal.
M. Verástegui joue le rôle du martyr Anacleto Gonzalez Flores, qui a été béatifié par Benoît XVI en 2005, et M. Garcia joue le rôle de l’extraordinaire Enrique Gorostieta, soldat de carrière, forcé de fuir le Mexique à cause de ses activités politiques. Il va d’abord à Cuba, lieu de naissance de M. Garcia, puis aux Etats-Unis où M. Garcia et sa famille se sont réfugiés quand il avait cinq ans. Gorostieta revient dans son pays pour se mettre à la tête des Cristeros, en dépit du fait que ses vues sur la religion ressemblaient beaucoup à celles de Calles. Mais, dans le film, il dit à sa femme :
« Je ne suis pas toujours d’accord avec l’Eglise, mais je crois en la liberté de religion. »
Garcia représente Gorostieta avec une sobriété mesurée et un contrôle de soi conscient. Celui-ci est un homme qui se connaît, connaît sa tâche, et sait comment guider les hommes. Il est général jusqu’au bout des ongles. C’est pourquoi quand il est envahi par l’émotion dans plusieurs scènes, l’effet est puissant – surtout dans les scènes montrant la capture et plus tard le martyr du bienheureux José Luis Sanchez (bien joué par Mauricio Kuri, acteur de 14 ans). Mais quoique M. Garcia soit très bon, Oscar Isaac remporte presque la vedette ; sa moustache ne semble pas vraie, mais la manière dont il représente Victoriano « El Catorce »[le quatorzième] Ramirez est une authentique et remarquable combinaison de foi et de furie, surtout de furie.
Malgré tout, je dois dire que ce film est loin d’être un grand film. La manière de diriger de M. Wright – la mise en scène, le script, et le montage – est saccadée, il n’y a pas d’autre mot pour la décrire. Il y a des scènes qui n’ont vraiment pas de sens. Et l’on voit un assez grand nombre de gens à l’air inquiet qui disent : « Cours ! » ou « Va t’en maintenant ! » En vérité, une grande partie du film vacille au bord du mélodrame telenovela. La musique de James Horner s’enfle tandis que la camera monte et descend d’un mouvement panoramique pour révéler — qui s’y attendrait ? — un paysage ordinaire, ou des effets spéciaux qui ne sont pas si spéciaux.
Les généraux discutent beaucoup pour savoir combien de milliers de soldats seront déployés dans la guerre ou combien de centaines d’hommes sont morts dans une bataille, mais M. Wright ne nous montre jamais autre chose qu’une escarmouche. Il n’y a pas… d’opération épique. Et la présence d’Eva Longoria, la femme de Gorostieta dans le film, est gaspillée.
De plus, le film ne mentionne pas — bien que l’assistance puisse le déduire — que par une de ces troublantes ironies de l’histoire, une fois que l’Eglise a eu négocié un accord pour commencer la restitution des droits du clergé, le Vatican s’est retourné contre les Cristeros et a menacé d’excommunication ceux qui continuaient à se battre pour le rétablissement complet de leurs droits humains.
Pourtant, comme l’a dit l’archevêque Charles Chaput avec sagesse, c’est un « film que tous les Catholiques devraient voir cet été… For Greater Glory montre avec une puissance et une grâce mémorables où… le fanatisme peut mener, et ce que cela coûte de lui résister. »
Pendant que le générique de la fin défilait, je pensais à T.S. Eliot.
Nous nous sommes battus pour des causes perdues parce que nous savions que notre défaite et notre consternation étaient peut-être le prélude à la victoire de nos successeurs ; bien que cette victoire elle-même soit temporaire, nous luttons pour garder en vie une chose précieuse plutôt que dans l’espoir qu’elle triomphe. Et nous nous battons parce que la liberté religieuse en vaut la peine.
Brad Miner est éditeur en chef de The Catholic Thing. Il est professeur à l’Institut de la Foi et de la Raison et membre du conseil de l’Aide à l’Eglise en détresse aux Etats-Unis. Il est l’auteur de six livres et ancien éditeur littéraire de la National Review.
— –
Image : Enrique Gorostieta interprété par Andy Garcia .
http://www.thecatholicthing.org/columns/2012/iviva-garcia.html