Un livre du docteur Patrick Theillier 1 aborde un sujet qui date de la nuit des temps : ne sont pas cités les « Livres des morts » qui furent écrits en Égypte et au Tibet dans un autrefois fort lointain : depuis, des auteurs bien plus récents se sont interrogés et même un médecin du Grand Hôpital de Marseille…2
En 1975, Raymond Moody alerta le monde entier avec « La Vie après la vie » 3. Ne pas oublier un auteur qui fut très compétent dans ses écrits sur le sujet, le père François Brune, auteur du livre « Les morts nous parlent » 4.
Le dossier de la France Catholique sorti le 9 décembre 5. est remarquable et permet de se poser la question capitale : les récits convergents de la multitude de ceux qui ont « vécu » leur mort (quoique pour peu de temps) l’Église catholique peut-elle les recevoir en sa théologie ?
Cette inévitable et logique question se posait d’une certaine façon au XII-XIIIe siècle autour du lit de souffrance de la petite Alpais, sainte dont la vie m’avait particulièrement frappé et sur qui j’ai pu écrire une pièce de théâtre qui fut jouée devant au moins deux cents personnes en son village-pèlerinage natal et autant sur la scène du Conservatoire de Troyes. Il me semble que mon lecteur habituel sera peut-être intéressé par la scène 16 qui conclut la pièce… La voici donc :
Scène 16
1 6 – Qu’avons-nous besoin de nouvelles preuves ? Alpais, qui a parlé à tant de ses contemporains 7, peut aussi par son témoignage nous aider à grandir dans la foi.
GUILLAUME de CHAMPAGNE – En elle-même, n’est-elle pas une preuve admirable de la grandeur et de la puissance et de la tendresse de l’amour de Dieu pour nous ?
7 – Nous avons tout de même omis d’évoquer, de simplement évoquer la lumière de la foi qu’elle a répandu sur un nombre immense de ses visiteurs.
6 –Tout ce que j’ai entendu ébranle sérieusement ce scepticisme dont par habitude je me protège l’âme, ou l’esprit.
ROBERT d’AUXERRE – L’âme ! Savez-vous qu’elle en a parlé admirablement, elle la tout ignorante, qui jamais n’avait pris le chemin d’une école ?
1 – Il fallait bien qu’elle s’expliqua sur ce sujet, puisqu’elle disait que son âme s’était transportée ici et là, que son âme avait contemplé tel spectacle, entendu telle parole. Mais qu’est-ce donc qu’une âme, lui demanda un jour le Témoin 8.
9 – Comment une âme peut-elle voir, lui disait-on, elle qui n’a point d’yeux ?
RAOUL de COGGESHALL – Peut-on d’ailleurs dire qu’une âme voit par elle-même ?
CÉSAIRE d’HEISTERBACH – Ses réponses frappaient d’éton-nement les plus doctes de ses visiteurs, les plus profonds philosophes.
GUILLAUME de CHAMPAGNE – L’âme, disait-elle, puisque créée à l’image de Dieu est de ce fait d’une nature impossible à expliquer : il faudrait alors être en mesure d’expliquer celle de Dieu.
CÉSAIRE d’HEISTERBACH – Rien ici-bas ne ressemble à l’âme humaine : si étrangère à tout ce que l’homme voit, touche, utilise, qu’entre cela et elle il n’y aucune analogie, aucune comparaison possibles.
RAOUL de COGGESHALL – Ce serait comme vouloir rendre compte de la nature d’un pur esprit.
1 – Ne disait-elle pas de l’âme qu’elle était simple, invisible et immatérielle ? En rien on ne peut la concevoir divisée en parties diverses.
6 – Je comprends ce langage. Ni mains, ni pieds, ni œil, ni oreille en l’âme : mais tout entière ensemble mains, pieds, œil et oreille, sans que l’on puisse distinguer. N’est-ce point cela ?
8 – C’est exact. Chaque sens du corps ne peut éprouver que des sensations
particulières, mais l’âme au contraire ce qu’elle saisit l’est par elle tout entière.
6 – C’est donc tout entière, si elle atteint une chose, qu’elle s’en empare, la touche ? Ou l’enveloppe, ou la saisit, ou l’étreint ?
RAOUL de COGGESHALL – C’est cela même qu’elle nous expliquait.
ROBERT – Pensée impensable pourtant ! Par toute sa substance l’âme percevrait, distinguerait, entendrait ? Elle contemplerait par tout ce qu’elle est et en garderait de même le souvenir ?
GUILLAUME de CHAMPAGNE – L’âme possède chacune de ces facultés : mais tout entière elle est mémoire, elle est regard, au point que c’est ainsi qu’elle voit sa propre substance, mais seulement quand elle est séparée de son corps de chair.
6 – Autrement dit biologique ?
1 – Oui, assurément. Vêtement de peau comme dit l’Écriture…
9 – Il faudrait encore ajouter avec Alpais que l’âme n’est renfermée en aucun lieu, limitée par aucun espace puisqu’elle n’a point d’étendue et ne saurait être mesurée.
CESAIRE d’HEISTERBACH – Et toujours avec Alpais tenir pour certain que l’âme n’est pas non plus contenue dans son corps comme l’eau dans le verre, qu’elle n’est pas confinée dans l’étendue restreinte des membres dont pourtant elle inspire le mouvement.
8 – Ce qui nous laisse penser qu’elle est toute entière en chaque partie du corps du fait qu’elle n’occupe en réalité aucune place.
ROBERT d’AUXERRE – Comprenez-vous bien cela, jeune homme ?
6 – Imparfaitement, je l’avoue, très imparfaitement. Mais voyez-vous, je perçois quelque chose de ce qu’elle dit ou montre, et ma foi, je dois avouer que, soudain, je trouve cela superbe, vraiment superbe. Au moins je ne mourrai pas idiot. J’ai bien fait de rester ici et de vous écouter.
GUILLAUME de CHAMPAGNE – Alpais laisse entendre, elle qui ne sait rien, quelque chose qui ne s’atteint, parfois, qu’après de longues années d’études ou d’exercices. Elle dit l’âme présente toute en tous les membres comme en chacun, elle dit l’âme en rien diminuée quand un membre du corps diminue, en rien augmentée si ce membre prend une plus grande place.
RAOUL de COGGESHALL – Quelqu’un lui demanda, peut-être était-ce moi, s’il y avait une commune vision possible entre l’être de Dieu et l’être de l’âme, ce à quoi elle répondit : « De même que Dieu est partout, dans tout son univers comme en chacune de Ses créatures de l’univers, vivifiant tout selon ce que dit l’Apôtre, « en Lui nous avons la vie, le mouvement et l’être », ainsi l’âme est tout entière en son corps et en toutes les parties de ce corps comme dans son monde, le vivifiant, lui donnant mouvement et direction, ayant cependant son trône particulier au cœur et au cerveau, comme nous disons de Dieu qu’Il habite plus particulièrement au Ciel. »
CESAIRE d’HEISTERBACH – Ce qui implique que si Dieu réside dans l’ensemble de l’univers comme en son centre et à sa superficie, autant dans les régions inférieures qu’en celles dites au-dessus, ainsi en va-t-il de l’âme en son corps.
ROBERT d’AUXERRE – Quoiqu’Il puisse résider également hors de cet univers, puisqu’Il lui est transcendant !
GUILLAUME de CHAMPAGNE – Voyez donc la conséquence de tout cela : de même que Dieu ne grandit en rien ni ne Se dilate lorsqu’Il donne vie à Ses créatures et qu’elles obéissent à Sa loi en se développant, de même qu’Il ne Se comprime ni ne Se diminue dans les créatures qui vont en diminuant, ainsi l’âme n’a pas à se grandir dans les membres les plus considérables du corps, et pas plus à se diminuer dans les membres les plus petits.
1 – Ces propos de l’ancienne vachère reléguée en une vile cabane enthousiasmaient le Témoin. Il nous a laissé trace de cet enthousiasme, disant : « Voilà ce que saisit de l’âme une jeune fille simple comme une colombe ».
6 – Il y a un point qui me paraît maintenant essentiel et que vous n’avez pas soulevé : si tout ce qui vient ici d’être dit est vrai, alors il faut reconsidérer tout ce qui en nous obéit au temps, appartenant ainsi à la mort, et redonner la primauté à tout ce qui en nous est immortel, relevant ainsi de la vie éternelle dont parle sans cesse Jésus le Christ, l’Envoyé du Père, qui pour nous s’est fait « nourriture de vie éternelle ».
9 – Il faut remettre à sa place, à sa juste place, tout ce qui appartient à l’ordre du biologique.
7 – Il faut notamment cesser d’en faire une idole.
6 – Oui, c’est cela. Que le serviteur, notre corps, fasse son service sans vouloir devenir le donneur d’ordres : il ne saurait être l’unique fin de notre existence, même s’il parvient très bien à susciter le tourment de l’être dont il est le visage visible ! Et cela il est capital de le dire aujourd’hui alors que partout s’organise l’idolâtrie de la bête, de l’organique, du sexe, du plaisir égoïste, de l’éphémère triomphant ! Pardonnez-moi de m’exprimer peut-être trop vivement, avec des mots qui me parlent comme jamais et tout à coup me semblent plus grands que moi, plus vrais que tout ceux que j’ai entendus jusqu’à ce jour, plus évidents et décisifs que je n’aurais pu le penser encore hier. Voyez ceci, Alpais sort de ses ulcères purulents, affreuse image sensible et insupportable de ce que le péché fait de l’âme, pour entrer dans un état des plus étranges, où elle ne mange ni ne boit pendant quarante années, le même temps que dure l’errance du peuple de Dieu dans le désert. Pendant ces quarante années elle doit porter et supporter un corps qui lui est pourtant un médiateur nécessaire, croix d’amour associée à la croix salvatrice de Celui qu’elle aime ! Pendant ces quarante années elle ne se nourrit que de l’eucharistie, signe impensable et pourtant pensé de ce que dit le Christ sur Sa chair, cette « nourriture de vie éternelle » ! Pendant ces quarante années il lui faut lutter contre les invasions de la tentation, les visites à la fois grotesques et tourmentantes des démons, quoiqu’elle soit sans hésitation joie, bonheur, exultation et amour ! Elle reçoit ces beautés que lui offre son Époux dans des voyages extatiques dont les interprétations et les symboles suivent toujours le droit fil de l’enseignement de Jésus. Comment rendre compte de cela par les seules explications de la science ? Par les seules lumières de notre raison ? Il y faut la certitude d’Alpais que c’est bien Marie, la toujours Vierge, qui est venue vers elle pour la guérir en réponse à sa prière, que c’est bien cette Mère de Dieu qui s’est penchée sur son corps puant et détruit, a saisi ses mains décomposées, lui a restituée sa plus belle apparence, que c’est bien son Seigneur qui lui a rendu d’inouïes visites, qui l’a soutenue dans les pires passages, qui l’a communiée à l’issue d’une vision où s’est éclairé pour elle le mystère de la Trinité Sainte, et qui l’a portée d’un bord à l’autre de sa pauvre existence avant de la faire entrer dans Sa gloire auprès de Son Père !
7 – Avec une vigueur et un enthousiasme qui auraient plu à sainte Alpais, elle qui ne se voyait qu’en enfant de Dieu, ces mots disent fort bien que notre vocation est d’entrer dans le projet de Dieu, projet d’amour tout spirituel, rien d’autre que nous offrir d’entrer au sein même de Sa famille.
1 – À nous de reconnaître la vigoureuse simplicité de cette enfant de Dieu. Nous nous sommes laissés éblouir par de grandes merveilles, sans prendre le temps d’entrevoir que les plus étonnantes d’entre elles restent en effet les plus cachées : un amour débordant, une confiance sans ombres, un abandon sans ruses ni détours.
8 – Comme l’a écrit saint Éphrem de Nisible au IVe siècle : « Le Père promet, le Fils exécute, l’Esprit accomplit. »
- « Expériences de mort imminente – Un signe du ciel qui nous ouvre à la vie invisible », préface de Monseigneur Aillet, évêque de Bayonne, éd. Artège, 232 pages, 18 €.
- Un autre livre a été publié en même temps que celui du Docteur Théillier : « Aux portes du Paradis », de Louis Garcia, éd Docteur Angélique, Collection Témoignage mystique – 155 pages, 12 €.
- « La Vie après la vie », de Raymond Moody, 1975 par J’ai lu, collection Aventure secrète, 188 pages, 4 € : il fut vendu à plus de 30 millions d’exemplaires dans le monde entier. Plus ancien, tenir compte du livre d’un auteur se situant entre les psychologues « spiritualistes » et les psychologues « scientifiques », Victor Egger : « Le moi des mourants » fut publié en 1896.
- Les morts nous parlent, tome 1, Le Félin, 1988, 2e édition Philippe Lebaud, 1996, 3e édition, Oxus, 2005, édition club « Succès du Livre », 1989 ; France Loisirs, 1994.et 2007. Traduit en bulgare, espagnol, italien, polonais, portugais et roumain, Livre_de_poche 2009. Les morts nous parlent, tome 2, Oxus, 2006, édition club France Loisirs, 2007. Livre de poche, 2009.
- numéro 3518
- Les numéros désignent des personnages d’aujourd’hui. Les noms des personnages désignent authentiquement ceux qui ont suivi, interrogé, admiré la très pauvres Alpais. Leurs répliques suivent le plus précisément leurs propos d’autrefois dont le Témoin, le moine des Écarlis, a tenu compte dans son mémoire écris chaque jour à la suite de sa visite chez Alpais : ayant, comme saint Luc, soutenu et certifié la vérité de ces récits.
- Parmi ces foules, des rois, des princes, des archevêques et de simples évêques, des Abbés et des moines, des hommes d’affaires, des ouvriers, des malades nombreux qu’elles guérissait… tout cela est dit dans la pièce tout entière, dont je n’ai plus qu’un exemplaire… mais si quelqu’un désirait l’obtenir en version numérique il lui suffirait d’envoyer au Parvis des Alliances (Basse Ville Trouvée, 49080 Bouchemaine) un chèque de cinq euros ce qui aiderait ce Site à survivre car aujourd’hui très en difficulté, revenant trop cher mensuellement.
- Un moine de l’abbaye des Écharlis, très proche du lieu où vivait l’infirme insigne qu’était Alpais (soi Alta-Pax – haute-paix – ou Alta-Spes – haute-espérance-)