Vêtus de pourpre - France Catholique
Edit Template
Le martyre des carmélites
Edit Template

Vêtus de pourpre

Copier le lien

Dernièrement, j’ai lu pas mal de choses sur John Joseph Hughes, le premier archevêque de New York. Hughes est né dans le conté de Tyrone en Irlande, en 1797. C’est-à-dire deux siècles après la tourmente de la période Tudor en Angleterre, qui a amèrement atteint l’Irlande et durant laquelle la Grande-Bretagne est allée d’officiellement catholique à officiellement protestante avant de redevenir catholique et de nouveau protestante — tout cela en l’espace d’une demi-décennie.

Plusieurs années après son arrivée à New York, Hughes pouvait encore ironiser en rappelant que pendant les cinq premiers jours de sa vie, il avait eu le même statut légal que n’importe lequel citoyen de l’Empire Britannique, pour le dire autrement, tant qu’il n’avait pas été baptisé catholique. Sa famille et lui se sont enfuis en Amérique en 1817, juste avant l’émancipation des catholiques irlandais.

Il est souvent admis que la torture (et même la décapitation), événements fréquents (et horribles) du seizième siècle, ont diminué au cours du dix-septième. Et si l’on considère la fréquence de ces événements extrêmes de persécution des catholiques, c’est vrai. Mais il faudra encore attendre longtemps avant que les catholiques ne soient en sécurité, de même que leurs biens, aussi bien en Angleterre qu’en Irlande.

Le dernier catholique à mourir martyr en Angleterre serait mort en 1681. Pourtant les persécutions ont continué en Irlande bien après cette date. Et qui était ce martyr ? Il s’appelait Oilibhéar Pluincéid, plus connu sous le nom d’Oliver Plunkett, et nous célébrons sa fête en juillet. Son histoire est de façon fortuite tout à fait adaptée à la méditation de ces derniers jours de la Quinzaine pour la Liberté.

Jeune prêtre, Plunkett avait vécu agréablement, ayant d’abord été formé à l’Irish College, à Rome, avant de passer encore deux décennies ensoleillées dans la chaleur de la Ville éternelle, bien connu des papes en qualité de représentant des évêques irlandais.

Il était âgé de 49 ans quand le pape Clément X le supplia de retourner au pays (qu’il n’avait pas revu depuis son adolescence) pour y devenir archevêque de Armagh et Primat d’Irlande.

Il semblait y avoir une accalmie dans l’oppression subie par les catholiques irlandais (due en grande partie à la tolérance du roi Charles II, un converti catholique), et l’archevêque Plunkett fut en mesure de bâtir des écoles, de tenter une réforme du clergé d’Irlande (particulièrement dans le domaine de la prévention et du traitement de l’alcoolisme) et de fonder le collège jésuite de Drogheda, qui accueillait en 190 étudiants en 1671, dont un cinquième de protestants.

Mais la tolérance envers les catholiques ne faisait que sembler s’améliorer durant la Restauration. En Angleterre, une rumeur enflait concernant un complot papiste, accompagnée d’une hystérie anticatholique croissante, et le libéralisme qui s’était répandu en Angleterre et en Irlande fut annulé par les Test Acts de 1673 et 1678, qui écartaient les catholiques de la fonction publique et exigeaient le même genre de serment de fidélité que celui dont le roi Henry VIII avait fait usage pour prétendre justifier l’assassinat de Sir Thomas More.

Le collège jésuite de Plunkett fut rasé et lui-même arrêté sous l’inculpation de fomenter une rébellion irlandaise, avec le secours d’une invasion française. Ces accusations étaient entièrement mensongères. Tout le monde savait que l’archevêque était arrêté parce qu’il refusait d’abjurer sa foi et, craignant que la colère des Irlandais ne débouche sur une insurrection, les autorités anglaises expédièrent Plunkett à Londres, et il fut jugé à Westminster Hall, là même où More l’avait été en 1535.

Tout comme More et le cardinal John Fisher l’avaient fait, Plunkett pardonna à son bourreau à Tyburn Hill. « Je pardonne, dit-il à la foule massée pour l’éxécution, à tous ceux qui ont une part directe ou indirecte à ma mort et qui versent mon sang innocent. »

Tout comme More et Fisher, l’archevêque Plunkett a été exécuté, non pour ce qu’il avait fait, mais pour ce qu’il avait refusé de faire : placer César au-dessus de Dieu. Mais alors que les sentences contre More et Fisher avaient été commuées en une simple décapitation (Henry VIII s’était jugé très compatissant d’agir ainsi), Oliver Plunkett fut « pendu, traîné et coupé en quartiers » : étendu en croix sur un chariot dans une position inconfortable, il a été convoyé jusque Tyburn, pendu jusqu’à être presque mort, décroché, émasculé, éviscéré avant d’être décapité et son corps découpé en quatre quartiers.

Sa dépouille a alors commencé un voyage au long cours, si bien qu’on trouve maintenant de ses reliques en Angleterre, en Allemagne, aux Etats-Unis, en France, et bien sûr en Irlande : sa tête repose dans un reliquaire de verre dans l’église Saint-Pierre de Drogheda.

Oliver Plunkett a été canonisé le 1er octobre 1975 par Paul VI, qui a décrit le saint comme « un authentique et remarquable exemple de l’amour du Christ. »

Nous prions Dieu — Père, Fils et Esprit — qui a donné à Oliver Plunkett le don glorieux d’une foi surnaturelle — une foi si solide qu’elle l’a rempli de la force d’âme et du courage nécessaire pour faire face au martyr avec sérénité, joie et pardon.

Très, très longtemps auparavant, le pape Léon le Grand (mort en 461) avait écrit :

La religion du Christ, fondée sur le mystère de la Croix, ne peut pas être détruite par quelque cruauté que ce soit, les persécutions ne l’affaiblissent pas, elles fortifient l’Eglise. Le champ du Seigneur mûrit toujours de nouvelles récoltes pendant que les grains arrachés par la tempête prennent racine et se multiplient.

Et, il y a peu, le toujours réfléchi cardinal Francis George de Chicago a choqué lorsqu’il a fait cette remarque : « je m’attends à mourir dans mon lit, mon successeur mourra en prison, et son successeur mourra en martyr sur la place publique. »

C’est pour cela que les cardinaux et archevêques sont vêtus de pourpre.

— –

Brad Miner est rédacteur en chef de The Catholic Thing, membre de l’institut Foi et Raison et membre du conseil de l’Aide à l’Eglise en Détresse aux USA. Il est l’auteur de 6 livres et ancien chroniqueur littéraire de National Review.

— –

Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2012/wearing-red.html

— –

Tableau : Saint Oliver Plunkett.