VERTUS POUR LA CITE - France Catholique
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La justice de Dieu
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VERTUS POUR LA CITE

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Nous discutions l’autre jour avec quelques étudiants des qualités nécessaires à la fondation et au maintien d’une grande Cité. Je lisais avec eux « la Cité de Dieu » de St. Augustin : l’ouvrage a été commencé quelques années après le sac de Rome, « la Ville Eternelle », par les Wisigoths d’Alaric. L’intention d’Augustin était de défendre le Christianisme contre ses adversaires au sein de l’élite cultivée de son temps qui attribuaient le déclin de Rome à sa conversion au christianisme – une accusation répétée au long des siècles, notamment par Edward Gibbons dans sa monumentale histoire du « Déclin et Chute de l’Empire romain. »

Au début de « la Cité de Dieu », Augustin remarque que nombre de ceux qui se sont plaint du christianisme avec le plus de véhémence n’avaient dû leur survie qu’au refuge qu’ils avaient trouvé dans l’une des grandes basiliques chrétiennes de la ville, épargnée par les envahisseurs barbares. Au lieu de se plaindre, dit Augustin, « ils devraient proclamer le nom du Christ en toute sincérité après l’avoir assumé faussement pour échapper à une destruction imminente. »

Ce commentaire peut se décliner de plusieurs façons : premièrement, Augustin sait bien qu’il n’y a pas si longtemps, ses frères et sœurs en Christ étaient martyrisés dans quelques-uns des mêmes endroits, parce qu’ils refusaient de renier leur foi. Ces « nobles » romains n’ont pas eu le même courage de se déclarer ouvertement lorsqu’on leur demanda : « Etes-vous des disciples du Christ ? »

En second lieu : « où étiez-vous quand la ville était mise à sac ?
Eleviez-vous des barricades ? Combattiez-vous pour votre Rome chérie aux côtés de vos frères romains ? Non. Vous vous réfugiez craintivement dans les basiliques chrétiennes, vous faisant passer pour Chrétiens, aux côtés des fidèles chrétiens auxquels vous n’auriez pas laissé une heure hier et qui étaient sans doute en train de prier pour leurs frères et leurs pères chrétiens qui sacrifiaient leur vie pour vous. Et tout ce que vous trouvez à accuser, c’est le christianisme ! »

Au fur et à mesure du déroulement de « la Cité de Dieu », Augustin demande à ses lecteurs, au regard du récent désastre de Rome, de penser à la fois plus haut et plus profond. Il veut qu’ils envisagent Rome dans la perspective historique plus vaste de l’histoire du Salut, tout en ne perdant pas de vue leurs responsabilités propres.

Pour les Romains, Rome était tout. Rome était leur raison d’être. Quand votre vie ne prend sens que par une institution éphémère, que survient l’inévitable et que tout est perdu, qu’arrive-t-il ? Augustin les exhorte à voir que Rome ne fut jamais une fin en soi mais, comme toute chose, un simple instrument dans le plan providentiel de Dieu. Il n’y a qu’une seule « Cité éternelle » et elle n’est pas de ce monde. Aimer ce monde sincèrement signifie le voir dans le contexte plus large de la Divine providence et de l’histoire du Salut.

En même temps, le drame qui conduisit à la chute de Rome était plus intime que les Romains ne l’imaginaient. Le sac de Rome n’avait rien à voir avec la perte des dieux païens, et tout à voir avec la perte des authentiques vertus païennes. Cicéron et Sénèque avaient vu la vérité quelques siècles plus tôt : l’ordre social et la santé de l’Etat dépendaient largement de l’ordre moral de son peuple. L’un ne pouvait être garanti sans l’autre. Le conflit n’était pas simplement entre Romain et Wisigoth ; le véritable conflit était entre le bien et le mal, la vertu et le vice, et il se situait à l’intérieur du cœur de chaque citoyen romain.

Ce n’est pas sans de bonnes raisons que les citoyens souvent reviennent aux vertus de leurs fondateurs : ceux-ci avaient le sens du devoir, le courage, l’esprit de sacrifice, la persévérance, qui font défaut aux générations suivantes. Quand les fondateurs réussissent, ils confèrent à l’Etat richesse et puissance, lesquelles sont ensuite sources de laxisme et de corruption pour les héritiers auxquels manquent les vertus nécessaires pour maintenir l’Etat en paix et en sécurité.

Augustin nous dirait aujourd’hui la même chose qu’à ses compatriotes romains : aimez votre pays, mais n’en faites pas une idole. Les citoyens romains n’étaient pas grands à cause de la gloire de Rome ; Rome fut grande à cause de la grandeur d’âme de son peuple.

L’Histoire entière est entre les mains du Seigneur de l’Histoire. Il la contrôle, pas nous. Tout ce que nous pouvons faire est de changer nos cœurs. Supporter, persévérer, se sacrifier pour le bien commun, prendre soin du prochain, demander la grâce de nous rendre vertueux pour faire face courageusement aux défis comme nos ancêtres ont su le faire. Il n’existe pas de potion magique, pas de remède miracle, pas de robot qui remettra tout à sa place. Il n’y a qu’un long et dur chemin pour changer nos cœurs et nos esprits. Prions et mettons nous au travail.

Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2011/the-virtues-of-the-city.html

Illustration : « La Cité de Dieu » (Copie ornée vers 1410)