Grâce à Sandro Magister, nous avons appris que les observations cruciales figurant dans le huitième chapitre très controversé de Amoris Laetitia avaient déjà été ébauchées par le conseiller argentin du pape, Victor Manuel Fernández – il y a dix ans !
Tous ces passages semblent subvertir l’enseignement moral établi du catholicisme. Ils étaient à l’origine destinés spécifiquement à contredire les déclarations du pape Jean-Paul II dans son encyclique majeure Veritatis Splendor.
L’archevêque Fernández n’est plus du tout un inconnu. Ces deux hommes – Fernández et Bergoglio – ont un passé commun en Argentine, comme Magister l’explique rapidement. Fernández est la plume et l’inspirateur de Bergoglio depuis longtemps. Il a été considéré par beaucoup comme le coauteur secret d’Evangelii Gaudium et de Laudato Si.
Il a également été le premier à bénéficier d’une promotion de la part du pape François et s’est publiquement vanté de son influence.
Bien que regardé comme peu sérieux par les théologiens avertis – à cause de ses ouvrages à la fois tendancieux et vulgaires -, il a dû être pris au sérieux par des membres de la Curie qui s’étaient mis en travers de sa route. Dans une interview accordée l’an dernier [le 10 mai 2015] au Corriere della Sera, par exemple, il tourne en dérision le cardinal Gerhard Müller, distingué préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi et partant principal « pilier » théologique du Saint-Siège.
Comme Sandro Magister l’avait démontré dans un article antérieur, les pensées de notre Saint Père sur les questions fondamentales de la foi catholique sont accrochées à quatre « clous », et ce depuis sa prime jeunesse.
Par exemple, une grande partie des remarques figurant dan son encyclique et ses exhortations remontent à un chapitre de la thèse de doctorat restée inachevée qu’il avait écrite à Francfort il y a trente ans. Dans certains cas, il s’agit d’un « copié-collé ».
Je mentionne ce fait parce que, pour autant que je puisse en juger, Bergoglio n’était pas et n’est pas actuellement la marionnette de Fernández. Il s’agit plutôt de la rencontre de deux esprits.
A mon avis, ils ont tous les deux assimilé des relents d’hégélianisme qui traînent dans l’air depuis plus d’un siècle. Chacun des « clous » que Magister présente à grands traits (« le temps est supérieur à l’espace », etc.) est vague et par conséquent non-catholique.
Et pourtant chacun d’entre eux peut être utilisé pour contrer un principe catholique, ce qui ne donne pas à des abstractions étrangères aux Saintes Ecritures qualité pour porter un jugement sur celles-ci. L’Eglise fonde depuis vingt siècles sa pensée non pas sur une méthode d’interprétation du Dépôt de la foi, mais sur la foi elle-même. Sa « théorie » et sa « pratique » ne sont pas distinctes, mais unies dans la liturgie, la théologie et le droit canon.
Pour autant encore que je puisse en juger, il y a une différence entre Fernández et Bergoglio. Le pape est par nature prudent dans ce qu’il proclame. Il évite l’hérésie, il se contente de « proposer ». Il préfère le geste symbolique au geste décisif. Il n’insiste pas.
Tandis que Fernández semble être toujours en train d’avancer ses pions : en effectuant un changement au moyen d’une simple manipulation technique, par exemple, en insérant ici et là quelques mots bien choisis dans des documents magistériels. Ce qui en fait un « nègre » dangereux.
La question centrale actuelle est la communion pour les divorcés remariés ; c’est elle que Fernandez cherche à résoudre en ce moment. Mais comme il doit s’en rendre compte, c’est un cheval de Troie pour la « réforme » de tout l’enseignement et l’attitude de l’Eglise. C’est la porte ouverte à toutes les dérives.
Cette question fondamentale est en rapport avec l’ensemble de l’enseignement moral chrétien et catholique. Existe-t-il des actes qui sont absolument et définitivement mauvais ? Des iniquités pour lesquelles il ne saurait y avoir d’excuses ni de circonstances atténuantes ? Des injonctions morales qu’on ne saurait contourner ? Des fautes qu’on ne peut que confesser ; des conséquences qu’il faut affronter ?
Ou, au contraire, le bien et le mal s’inscrivent-ils dans l’éthique de situation ? La fin peut-elle parfois justifier les moyens ? Le pécheur peut-il plaider que son acte, bien qu’ « objectivement » mauvais, était dans sa situation exceptionnelle (ou très probablement on ne peut plus banale) « subjectivement » acceptable ? Son repentir (« la prochaine fois, je me conduirai mieux ») devrait-il tout régler ?
C’est sur ce point que nous avons besoin d’une clarification sans ambiguïté, et de la part d’un pape. Jean-Paul II nous l’a fournie dans Veritatis Splendor, grâce à une profonde compréhension de la nature de l’Eglise.
Je vais m’expliquer.
Le Christ était-il vraiment sérieux quand Il a exposé des impératifs moraux avec une parfaite clarté et une force irrésistible ? Ou bien s’agissait-il de pures hyperboles ? A-t-il permis à l’Eglise de décider à quels moments Il était sérieux et à quels moments Il exagérait pour marquer le coup ?
Jusqu’à quel point notre religion est-elle sérieuse ? Transcende-t-elle les questions de vie et de mort, comme le Christ l’a montré en mourant sur la croix ? Ou bien est-elle une sorte de « à bon entendeur salut » – un conseil à suivre quand il vous convient, ou bien à « interpréter » quand il y a des complications ?
Un pape « réformateur » – ou n’importe quel réformateur, soit Luther, soit Calvin, soit même L. Ron Hubbard – a-t-il pour tâche d’adapter la vérité religieuse à « la situation contemporaine » ? Ou n’ont-ils tous d’autorité que dans la mesure où ils suivent les commandements du Christ, quoi qu’il advienne ?
Selon Fernandez, le pape François est vraiment un « réformateur » qui « sait très bien ce qu’il fait ». Dans son interview au Corriere della Sera, il déclare : « Le pape va lentement parce qu’il veut être sûr que les changements auront un impact profond. Cette lenteur est nécessaire pour assurer l’efficacité des changements. Il sait qu’il y a des personnes qui espèrent que le prochain pape remettra tout en cause ».
Voilà qui n’augure rien de bon. Mais il y a pire :
« Vous devez comprendre qu’il cherche à accomplir une réforme irréversible. Si un jour il avait le sentiment que le temps va lui manquer pour faire ce que l’Esprit lui demande, vous pouvez être sûr qu’il accélérera.»
Evidemment, ces considérations peuvent être écartées parce qu’elles n’ont pas été formulées par le pape lui-même, seulement par son conseiller. Mais on peut se demander pourquoi ce conseiller n’a pas été renvoyé.
A l’inverse, si les propos de Fernandez sont fondés, nous devons en tirer les conséquences. A savoir que, pendant vingt siècles, l’Eglise catholique s’est complètement fourvoyée ; que dans leur bêtise, tous ses papes légitimes ont été sourds aux messages du Saint Esprit qui leur transmettait de temps à autre des aggiornamentos dictés par le ciel.
— – Source de ce texte : https://www.thecatholicthing.org/2016/05/27/total-reform/
— – Photographie : Deux amis : Bergoglio et Fernández en Argentine David Warren est un ancien rédacteur du magazine Idler et un chroniqueur du Ottawa Citizen. C’est un spécialiste du Proche-Orient et de l’Extrême-Orient.
— – Source de ce texte : https://www.thecatholicthing.org/2016/05/27/total-reform/
— – Photographie : Deux amis : Bergoglio et Fernández en Argentine David Warren est un ancien rédacteur du magazine Idler et un chroniqueur du Ottawa Citizen. C’est un spécialiste du Proche-Orient et de l’Extrême-Orient.