Verbum Domini  - France Catholique
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Marie dans le plan de Dieu
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Verbum Domini 

Cette nouvelle « somme » de Benoît XVI sur la Parole de Dieu a été accueillie comme un « traité », elle a été comparée à une « basilique » à l’instar de la Sagrada Família de Gaudí consacrée par le pape à Barcelone : c’est d’ores et déjà un document majeur du pontificat.
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On pourrait s’y tromper. Y voir un document théologique pour les experts. Non, il s’adresse à tous. Le Pape y diagnostique le péché comme « non-écoute de la Parole de Dieu », en quelque sorte comme une résistance au commandement fondamental « Shema Israël », « Écoute, Israël ». Autrement dit, plus qu’un simple « document », le Pape offre un « sauf-conduit », au sens plénier et littéral. Il indique la façon d’accueillir le salut de Dieu par l’écoute quotidienne priante de la Parole, de ce Dieu qui ne cesse de parler à son Peuple et à chacun.

C’est ce qu’indique le « genre littéraire » du document. Pour la forme, il s’agit en effet d’une « exhortation apostolique » de 200 petites pages concrètes, abordables. Si elle n’a pas le poids « juridique » d’une encyclique, une exhortation apostolique, comme le dit le terme, est un document par lequel le Pape exhorte l’Église en indiquant la nécessité d’un engagement concret dans telle direction.

Elle est « post-synodale », c’est-à-dire qu’elle a été élaborée dans le sillage de la réflexion des Pères synodaux réunis en assemblée à Rome, sous sa présidence, du 5 au 26 octobre 2008, sur le thème : « La Parole de Dieu dans la vie et dans la mission de l’Église ». Le Pape y reprend in extenso les 55 « propositions » que l’assemblée de 2008 lui a remises à l’issue de ses travaux. C’est le fruit de la mobilisation de toute l’Église autour de la Parole de Dieu : il a fallu des mois de va-et-vient entre les diocèses et les évêques du monde et le secrétariat général du synode, à Rome, sous la présidence de Mgr Nikola Eterovic, pour préparer le synode dont Benoît XVI transpose le travail dans ce document.

Le conseil « post-synodal » veillera à promouvoir sa mise en œuvre dans le monde entier, dans toutes les cultures. La « basilique » ne sera achevée, pour reprendre la comparaison de Mgr Eterovic avec la Sagrada Familia, que lorsque le Peuple de Dieu, – de même que ses deniers achèveront le monument de Barcelone -, se l’appropriera pour la mettre en pratique dans sa vie quotidienne.

C’est la seconde « exhortation apostolique post-synodale » de Benoît XVI. Le Pape offre comme le second vo­let d’un diptyque liturgique après Sacramentum Caritatis, « Le sacrement de la charité », publié le 22 février 2007, et qui recueillait le fruit des travaux du synode de 2005 sur l’Eucharistie « source et sommet de la vie et de la mission de l’Église ». Les sous-titres des deux documents suffisent à indiquer leur parenté. Un synode voulu par Jean-Paul II et confirmé par Benoît XVI, qui s’est tenu du 2 au 23 octobre 2005. Présence du Christ dans la Parole, présence du Christ dans l’Eucharistie, pain quotidien de l’assemblée, pain quotidien du baptisé.

Un document liturgique. Verbum Domini, « Parole du Seigneur », scande le lecteur qui vient de proclamer la Parole de Dieu dans l’assemblée liturgique. Et le Peuple de Dieu répond : Deo gratias. Lors de la présentation du document à la presse, le 11 novembre, Mgr Fortunato Frezza, sous-secrétaire pour le synode des évêques, a relevé avec précision les indications liturgiques concrètes présentes dans le document : elles sont nombreuses. à commencer par le respect des textes bibliques, inspirés, qui ne peuvent jamais être remplacés par aucun autre texte, si élevé soit-il. Il souligne le « caractère sacré » de la Parole, mais aussi l’importance de l’homélie et le projet de directoire « homélitique », voulu par le synode précédent, ou l’attention aux malvoyants et aux malentendants dans la liturgie. Et pour une proclamation toujours plus « digne » de la Parole de Dieu dans l’assemblée liturgique, Benoît XVI accueille la demande des pères du synode d’examiner la possibilité d’un « lectorat » pour les laïcs. Verbum Domini invite aussi les artistes à apporter leur contri­bution, des compositeurs – pour des chants inspirés par la Bible – aux architectes.
Un document « conciliaire ». La connotation liturgique n’est pas la seule immédiatement perceptible. Le titre — Parole du Seigneur — et le sous-titre — « la Parole de Dieu dans la vie et la mission de l’Église » — mettent d’emblée le document dans le sillage de la constitution « dogmatique » de Vatican II sur la Révélation divine, Dei Verbum, abondamment citée par le pape. On pourrait dire qu’elle s’inscrit dans la mise en œuvre concrète du concile Vatican II à laquelle Benoît XVI travaille constamment. L’unité entre les deux documents éclate dans le titre même de la première partie – Verbum Dei – qui reprend ainsi les deux premiers mots – inversés — de ce document majeur du concile.
Le Pape se fait pédagogue du Concile. Comme le Concile, qui promeut la lecture patristique de l’Écriture, Benoît XVI ne cesse de citer les Pères et il place son document sous la protection du génie de saint Jérôme, en le datant du 30 septembre. Il explique les règles de l’interprétation de l’Écriture exposées dans Dei Verbum, comme le rapport entre Écriture et Tradition, l’unité de l’un et l’autre Testament ou la lecture du texte inspiré selon les « quatre sens » – le sens littéral et les trois sens « spirituels », selon la foi de l’Église (allégorie), l’enseignement moral (tropologie), et le sens eschatologique (anagogie) qui donne aux baptisés en pèlerinage sur cette terre le goût et l’espérance du ciel. Les travaux du cardinal Henri de Lubac sur l’exégèse médiévale et sur Dei Verbum, trouvent là une reconnaissance éclatante.

Il faut, rappelle Benoît XVI avec le Concile, que l’Écriture redevienne comme « l’âme de la théologie ». Cela suppose aussi une réforme des études théologiques. Certains spécialistes se souviendront qu’un colloque a été organisé autour de ce thème, dès 1989, à Bruxelles, à l’Institut d’Études théologiques (IET), la faculté de théologie des jésuites de la province belge méridionale et du Luxembourg, qui en a publié les Actes l’année suivante. Vingt ans après, un autre colloque « Albert Chapelle (1929-2003), un théologien », tenu à Bruxelles et à Paris est revenu sur cette option fondamentale théologique, spirituelle, pédagogique (les Actes ont été publiés en 2010 au Cerf sous la direction du père Bernard Pottier, sj).

Verbum Domini se présente sous la forme d’un « triptyque », a fait observer le président du conseil pontifical de la Culture, Mgr Gianfanco Ravasi, naguère président de la commission du Message du synode, et bibliste réputé. Verbum Dei, la première partie, évoque « le Dieu qui parle », la dimension trinitaire et cosmique de la Parole, le rapport à la Tradition. Elle évoque ensuite la « réponse de l’homme à Dieu qui parle », avec Marie pour modèle éminent. Enfin, l’interprétation de la Parole, « l’herméneutique de l’Écriture sainte dans l’Église » qui souligne aussi le rapport des chrétiens et des juifs face aux Écritures, et l’exemple des saints.

Le Pape met en valeur, a fait observer Mgr Ravasi, la logique de « l’Incarnation », remède aux deux risques opposés du « gnosticisme » – lecture rationaliste, positiviste – et du « fondamentalisme » – lecture sans rationalité, promue par les sectes.

Le cardinal Marc Ouellet, alors arche­­vêque de Québec et rapporteur général au synode, aujourd’hui préfet de la Congrégation pour les évêques, a rappelé que la Bible est « le livre de la foi », la foi du Peuple juif d’abord, et la foi de l’Église. L’Écriture se lit donc « dans la foi », et le sens le plus exact ne se trouve pas dans l’analyse scientifique la plus dégagée de la foi, mais à l’intérieur de la foi. Plus encore, pour en « accueillir la valeur scientifique », il faut avoir la foi. La foi fait « entrer dans l’essence du texte ». Détaché de la foi, le texte perdrait son sens.

La deuxième partie du triptyque est Verbum in Ecclesia, la Parole dans l’Église, lieu privilégié de la Parole de Dieu ». Pour le cardinal Ouellet, le constat actuel est d’un « déficit » de la Parole de Dieu dans la vie de l’Église. Et il indique comme premier remède à mettre tout de suite en œuvre la « lecture priante » de la Parole de Dieu pour chaque baptisé, la lectio divina qui tient tellement à cœur à Benoît XVI. Le Pape y consacre trois pages (§ 86), à la demande du synode (Propositions 9 et 22), et en présentant la liturgie comme lieu par excellence de cette lectio. Cette section souligne d’autres éléments intéressant immédiatement le lecteur, et le lecteur laïc – auquel le Pape donne tant de place -, comme l’importance des parents dans l’initiation des enfants à une lecture orante de la Bible. Ils ont une « incontournable responsabilité ».

Verbum pro mundo, la Parole pour le monde : cette troisième partie du document ouvre l’horizon au dialogue avec les religions, les cultures, et à la Nouvelle évangélisation qui est proclamation de la Parole du salut, entrant dans le concret du monde moderne, avec la sauvegarde de la création ou l’importance des mass media.

Le point d’orgue choisi par Benoît XVI, c’est la joie : « Cette relation intime entre la Parole de Dieu et la joie est manifeste avec évidence chez la Mère de Dieu, Mater Verbi et Mater laetitiae. La source de toute joie, c’est le Christ. » Le Pape achève son monument sur la parole de Dieu en invitant à la joie de la « rencontre quotidienne » avec le Christ. Et au silence ! Afin que cette Parole, « par l’action efficace de l’Esprit Saint, continue à demeurer, à vivre et à nous parler tous les jours de notre vie ».

Verbum Domini – Deo gratias, « Nous rendons grâce à Dieu » : cette acclamation convient aussi au document que Benoît XVI offre à l’Église.