Venez, raisonnons un peu. - France Catholique
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La justice de Dieu
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Venez, raisonnons un peu.

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Selon la théologie chrétienne, Dieu est la source de la raison humaine. Saint Jean appelle « Logos » la seconde Personne de la Trinité, terme grec qui a donné le mot « logique. » Le plus grand commandement demande « d’aimer le Seigneur Dieu de tout son esprit » (cf. Mt 22, 37). Pour sa part, saint Pierre appelle les croyants à « être capables de toujours rendre compte de l’espérance qui est eux. Mais toujours avec courtoisie et douceur, selon une conscience claire » (1 P 3, 15-16). Quant à saint Paul, il recommande à l’Église « de peser toutes choses avant d’agir » (1 Th 5, 21).

En expliquant la foi chrétienne devant l’Aréopage d’Athènes, saint Paul révèle une connaissance supérieure à la moyenne des philosophies et des croyances de ses adversaires. Lors de sa dispute avec les épicuriens et les stoïciens, saint Paul utilise des sources païennes en citant les poètes grecs Epiménide et Aratus, l’auteur des Phénomènes. C’est bien une des beautés de l’apologétique de Paul. Après avoir étudié et compris la philosophie de ses adversaires, Paul cherche un terrain d’entente avec son auditoire païen dans le but de pouvoir partager avec eux les pages de l’histoire sainte.
Lorsqu’il répondait à des questions-piège, à Jésus n’a pas hésité à bien clarifier les choses. Comme par exemple dans cette rencontre :
« Alors les Pharisiens s’éloignèrent pour se concerter en vue de piéger Jésus au sujet de ses paroles. Ils lui demandèrent : ‘Maître, nous savons que tu dis vrai et que tu enseignes le chemin de Dieu en toute vérité, que tu ne crains personne parce tu ne te compares à aucun. Alors donne-nous ton opinion. Est-il permis ou non de payer l’impôt à César?’ Mais Jésus, connaissant leur malice, leur répondit: ‘Hypocrites! Pourquoi me tendez-vous un piège? Montrez-moi l’argent de l’impôt.’ Ils lui tendirent un denier, et il dit: ‘De qui est ce portrait? Et quel est son nom?’ Ils répondirent: ‘César.’ ‘Alors, leur dit-il, rendez à César ce qui appartient à César, et à Dieu ce qui appartient à Dieu.’ »

Les Pharisiens s’engagent dans un faux problème, lequel apparaît avec évidence quand l’argument laisse croire que deux choix ne peuvent pas être vrais en même temps. Par exemple : « Tu ne peux pas être, et un étudiant, et un athlète. » Pourquoi ne pourrais-tu pas être les deux à la fois? Ou bien qu’il n’existe pas de troisième voie possible : « Si tu n’es pas chrétien, alors tu est athée. » Pourquoi ne pourrais-tu pas être musulman ?

Les Pharisiens formulent leur question de telle sorte que Jésus n’a d’autre possibilité que de choisir entre César et Dieu, lesquels ne pourraient alors être choisis en même temps. Bien entendu, si Jésus avait choisi Dieu et non César, les Pharisiens l’auraient probablement dénoncé au pouvoir romain comme révolutionnaire. Et si Jésus avait choisi César et non Dieu, il aurait été rejeté par le peuple juif pour cause de reniement du Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob.

Mais Jésus démasque parfaitement le sophisme. Il se contente d’indiquer que ce n’est pas une question de choix entre Dieu et César, mais plutôt d’accorder ce qui est juste à l’autorité légitime. Après tout, quand un enfant obéit à ses parents qui lui demandent de ranger sa chambre, il ne choisit entre eux et Dieu. Si César avait commandé aux citoyens chrétiens de l’adorer comme Dieu (ce qui arrivera plus tard), les chrétiens de l’Empire auraient été contraints de désobéir, estimant qu’une telle adoration rendue à César, comme à n’importe quel autre être humain d’ailleurs, n’est due qu’à Dieu seul.

Certains chrétiens citeront Colosiens 2, 8 comme argument pour rester absolument en dehors de toute philosophie et de tout raisonnement humain : « Soyez sûrs que personne ne vous prenne au piège de l’illusion d’une philosophie toute humaine, fondée sur les principes de ce monde et non sur le Christ. »

Mais ce passage ne dit pas aux chrétiens de se garder de toute philosophie ni d’argument rationnel pas plus que le commandement de ne pas boire de poison ne leur demande de ne pas être pharmaciens. Autrement dit, il n’est pas possible de faire la distinction entre la mauvaise et la bonne philosophe et/ou raisonner sans posséder un minimum de principes universels nécessaires à tout discernement.

La manière de faire de saint Paul lui-même à l’Aréopage en est la preuve. Comme C.S. Lewis l’écrivait: « Être ignorant et simple au point de ne pouvoir affronter d’ennemis sur leur propre terrain, équivaudrait à nous faire déposer les armes et à trahir nos frères illettrés qui n’ont d’autres défenseurs que nous contre les arguments des païens. La bonne philosophie est nécessaire, ne serait-ce que pour répondre à la mauvaise. »
 


Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2011/come-let-us-reason.html

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Francis J. Beckwith est professeur de philosophie et de relations Église-États à l’université de Baylor (Texas). Son blog est returntorome.com. Son dernier ouvrage s’intitule Politics for Christians: Statecraft as Soulcraft.