Vatican II - les OUI et les NON - France Catholique
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Vatican II – les OUI et les NON

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Au cours de la visite de Richard Nixon en Chine, en 1971 quelqu’un demanda au Premier ministre Chou En Lai son avis sur la Révolution française (1789). Il répondit — dit-on — « une opinion serait prématurée ».

Pour beaucoup c’était une pirouette conforme aux vues orientales millénaires — alors que plusieurs experts chinois affirment que l’interprète a commis une bourde et que Chou En Lai (un communiste pur et dur et non un expert en confucianisme) faisait allusion aux récentes révoltes étudiantes à Paris (1968).

Certains commentateurs catholiques ont tenté de camoufler leurs réactions sur Vatican II (1962 – 1965) par une échappatoire analogue. Pour eux, il est trop tôt, selon les longues perspectives de l’Histoire de l’Église pour en tirer des conclusions.

Vendredi dernier (12 octobre) l’Église « célébrait » le cinquantième anniversaire de l’ouverture du Concile et ouvrait l’Année de la Foi, alors même qu’elle vient juste d’engager un Synode sur la Nouvelle Évangélisation — une Nouvelle Évangélisation rendue nécessaire, entre autres causes, par certaines conséquences négatives du Concile.

Un demi-siècle plus tard, il est évident que l’argument « long terme » n’est que broutille. La plus importante conséquence du Concile, pour le meilleur et pour le pire — et il y en a eu tout plein dans les deux hypothèses — fut son influence sur le troisième tiers du vingtième siècle.

L’impact à long terme dépendra de ce que les catholiques feront du Concile maintenant et à l’avenir — d’où le Synode et autres démarches.

La quête pour la « véritable signification de Vatican II » ressemble énormément à la « quête pour la personne historique de Jésus ». Bien des réponses dépendent des présomptions avancées, particulièrement les moins conscientes, que nul ne peut traiter par des méthodes historiques ou analytiques.

Les textes, aussi importants soient-il, ne convaincront pas les gens pour qui « l’esprit », et non la lettre, contient la véritable signification du Concile. Jean-Paul II dut déjà convoquer un Synode en 1985, qui conclut que l’esprit et la lettre ne devaient pas être opposés l’un à l’autre, et que Vatican II devait être interprété dans la ligne des Conciles précédents.

Mais vous êtes en état de « mort cérébrale » si vous ignorez, près de trente ans plus tard, que ce sont toujours des questions d’actualité au sein de l’Église. Actuellement, dans l’État de Washington [à l’extrémité Nord-Ouest des États-Unis] soixante-trois prêtres défroqués s’opposent publiquement aux efforts accomplis par l’Église pour empêcher la légalisation du mariage homosexuel, avec un argument post-conciliaire classique : « c’est aller contre l’accueil à bras ouverts de Jésus pour tous ».

Pour beaucoup de catholiques, ici comme partout dans le monde, l’effet essentiel du Concile est encore d’avoir réduit la Chrétienté à cette sorte de monomanie simpliste.

J’étais à Rome la semaine dernière, il y avait un grand enthousiasme pour la Nouvelle Évangélisation, comme il se doit, mais aussi une grande nervosité latente. Les évêques prononcèrent au Synode des paroles incisives, parfois profondes. Mais il est facile de parler. Agir, dans les circonstances actuelles, c’est une toute autre histoire. Et seule une vigoureuse action remettra le Concile sur le bon chemin.

Le grand théologien jésuite Henri de Lubac, un des inspirateurs du Concile, lançait à l’issue de l’événement l’avertissement suivant :

« le OUI dit de tout cœur au Concile et à toutes ses conséquences légitimes doit être, pour être solide et sincère, associé à un NON tout aussi ferme à toute forme d’exploitation qui en serait une perversion.»

« La nouvelle théologie » [en Français dans le texte] a beaucoup apporté à l’Église. Non seulement de Lubac, mais Congar, Chenu, Daniélou, Boyer, von Balthasar et autres ont découvert de précieuses valeurs dans la tradition.

Ce n’était pas rien qu’au sommet de son pouvoir au vingtième siècle l’Église Catholique romaine, en un Synode solennel, mette l’accent sur l’appel à la sainteté, sur un rôle étendu des laïcs dans le monde et pour une Église plus pastorale et communautaire que fondée sur le juridisme.

Et par-dessus tout, — comme le souhaitait Jean XXIII en convoquant le Concile — compléter l’enseignement Catholique théologique et moral déjà présent et le rendre plus efficace en s’engageant dans le monde. Joseph Ratzinger, encore jeune mais observateur pointu, relevait alors deux tâches primordiales pour le Concile: évacuer l’idée que tout allait bien au sein de l’Église, et surmonter une « névrose anti-moderniste ».

Le Concile les a certainement accomplies. Mais ceux qui lançaient des avetrissements sur la destination où le nouveau cap nous mènerait — on s’est moqué d’eux, et on continue, en les traitant de réactionnaires incorrigibles — avaient hélas raison dans leurs sinistres prédictions.

En particulier, reconnaître que la communauté de l’Église avait besoin de moins de formalisme et de plus d’esprit pastoral incitait beaucoup à croire que les règles étaient en soi le signe d’un manque de charité. Mais, comme je l’ai dit maintes fois, vouloir mener une pastorale sans savoir concrètement ce qu’aider les gens veut dire, c’est comme être un médecin au contact excellent avec le patient, mais totalement ignare en médecine.
Et on a souvent considéré que « l’ouverture au monde » de l’Église signifiait non seulement l’abandon de la méfiance envers la modernité, mais encore que la-dite modernité devrait devenir l’étalon pour juger les choses dans une Église réputée « mûre » et « engagée ».

Jean-Paul II et Benoît XVI ont déjà bien « fait le ménage », mais il reste encore beaucoup à faire, comme le montrent bien les délibérations du Synode. Beaucoup de la « Nouvelle Évangélisation » s’adresse à des sociétés préalablement Chrétiennes.

Benoît XVI a réuni vendredi dernier les évêques encore vivants ayant participé au Concile; il a virtuellement résumé l’expérience de ces cinquante dernières années :

« Le Concile fut un temps de grâce où l’Esprit Saint nous a enseigné que l’Église, dans sa marche historique, doit toujours s’adresser aux hommes avec le langage de leur époque, mais ce n’est possible qu’avec l’énergie de ceux qui sont profondément enracinés en Dieu, qui se laissent guider par Lui, et vivent leur foi en pleine pureté; c’est impossible pour ceux qui s’adaptent au moment présent, qui choisissent la voie de la plus grande facilité.»


Photo : Les Pères Joseph Ratzinger et Yves Congar à l’époque de Vatican II.

Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2012/vatican-ii-the-yes-and-the-no.html