Vatican II et le Synode sur la jeunesse. - France Catholique
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« Ô Marie conçue sans péché »
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Vatican II et le Synode sur la jeunesse.

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Dans son récent discours d’ouverture du Synode des Évêques sur la jeunesse, S.S. François a-t-il vraiment capté, comme nombre de commentateurs le pensent, la vision de Jean XXIII exprimée dans son discours d’ouverture de Vatican II ?

S.S. François déclare qu’une « argumentation théologique élaborée » n’est pas nécessaire « pour justifier notre devoir d’aider nos contemporains dans leur marche vers le royaume de Dieu ».

Alors, que faut-il donc ?

L’essentiel, selon lui, est de pouvoir exprimer la vérité librement et charitablement. Il s’exerce par la pratique du dialogue et de l’écoute mutuelle avant d’exposer une critique honnête, transparente, constructive, des points de vue de l’interlocuteur. « Le fruit primeur du dialogue se trouve dans l’ouverture de chacun à la nouveauté, dans l’acceptation de l’évolution de l’opinion reçue d’autrui. »

Et il ajoute : « Soyons prêts à l’accueil et à la compréhension mutuelle pour faire évoluer nos convictions et nos positions : c’est une marque de grande maturité humaine spirituelle. » Cette « forme d’ouverture » a tant d’importance aux yeux de S.S. François qu’il la considère comme une « preuve d’écoute de la part de l’Église qui se laisse mettre en question par les expériences de ses interlocuteurs et ne détient pas toujours des réponses toutes faites ».

En fait, « l’accumulation d’expériences humaines au fil des siècles constitue le plus précieux et fidèle trésor transmis en héritage de génération en génération ». Disons que c’est la « leçon retenue par l’Église ».

Au cœur du dialogue se trouve le discernement. Qu’est-ce que le discernement ? Ce concept fondamental de la pensée de S.S. François n’est guère facile à saisir. Selon lui, c’est « une attitude intérieure enracinée dans un acte de foi. » Avant d’accéder à la papauté, Jorge Bergoglio écrivait :

« en un cœur préparé par la présence active de l’Esprit Saint, le discernement est la faculté de reconnaître l’œuvre de Dieu et les tentations du Démon. Le discernement n’est possible qu’en s’ouvrant à l’action de Dieu. »

Tout ceci semble bien moderne et bien inspiré, mais il y manque la base du discernement du Nouveau Testament. Par exemple, « Et voici ma prière : que votre charité, croissant toujours de plus en plus, s’épanche en cette vraie science et ce tact affiné qui vous donneront de discerner le meilleur et de vous rendre purs et sans reproche… » (Ph, 1:10-11).

Parmi les dons reçus de l’Esprit Saint, « …à tel autre la prophétie;à tel autre le discernement des esprits. » (1 Co, 12:10) ; « les parfaits, eux, ont la nourriture solide, ceux qui, par l’habitude ont le sens moral exercé au discernement du bien et du mal. » (He, 5:14) ; « Cessez de juger sur l’apparence ; jugez selon la justice. » (Jn, 7:24) ; « mais vérifiez tout : ce qui est bon, retenez-le; gardez-vous de toute espèce de mal. » (1 Th, 5:21-22).

Dans l’Ancien Testament, nous notons : « Cœur intelligent recherche le savoir » (Pr, 15:14). Visiblement, le flux de ces citations suggère que le sens biblique du discernement ou du jugement implique des choix judicieux afin de comprendre où nous nous trouvons dans la masse de cultures pleines de défis et d’occasions.

Si les expressions : « écoute », « ouverture à la nouveauté », « expérience », et « changement » sont caractéristiques de son sens du discernement dans le discours d’ouverture de ce Synode par S.S. François, on trouve une approche nettement différente dans le discours prononcé par Jean XXIII lors de l’ouverture de Vatican II.

Sur l’objectif de Vatican II, Jean XXIII déclarait : « Voici le premier souci du Concile Œcuménique : défendre plus efficacement et promouvoir l’héritage sacré de la doctrine Chrétienne. » Une défense et une présentation plus efficaces de la foi Chrétienne implique un retour aux sources. Cet objectif essentiel du Concile nécessite un retour aux sources authentiques de la foi, Écritures et tradition, pour les revivifier. Une telle redécouverte créative de ces sources les fera alors avancer.

Un autre objectif fondamental de Vatican II est l’aggiornamento, signifiant pour Jean XXIII « prendre en considération les temps présents qui ont introduit de nouvelles conditions et formes d’existence, et ont ouvert de nouvelles perspectives à l’apostolat catholique. » Tels que décrits par S.S. François, discernement, écoute, expérience, changement, sont bien des aspects de l’aggiornamento. Mais pour Jean XXIII ce n’était pas un motif isolé de renouvellement, ce qui semble être le cas dans le discours d’ouverture du Synode par S.S. François.

S.S. François nous invite à ne pas oublier la révélation divine car « elle éclaire et donne leur sens à l’histoire et à notre existence. » D’évidence, un Chrétien orthodoxe ne saurait penser autrement. Cependant, il manque dans le message de S.S. François non seulement une référence à la nature de la révélation mais encore au rôle central de l’Église dans son enseignement quotidien.

Le Catéchisme de l’Église Catholique nous éclaire : « il existe un lien organique entre notre vie spirituelle et les dogmes. Les dogmes éclairent le chemin de la foi ; ils l’illuminent et le sécurisent. Réciproquement, si nous allons sur le droit chemin, notre cœur et notre esprit s’ouvriront pour accueillir la lumière des dogmes de la foi. » (§89). C’est « « L’Église enseignante », omise par S.S. François, mais rappelée par Jean XXIII.
Enfin, évidemment, le ressourcement n’est pas une simple redite des enseignements de l’Église, il ne nécessiterait pas, autrement, une « correction créative » pour les faire avancer.Écoutons plutôt Jean XXIII :


Il importe que cette doctrine certaine et durable à laquelle il faut se soumettre loyalement soit examinée et présentée selon les voies de notre époque [aggiornamento]. Car la base de la foi, les vérités qu’elle recèle dans notre vénérable doctrine, sont une chose ; la façon dont on les exprime, selon une signification inchangée et un même jugement (eodem sensueademque sententia) peut être tout autre.

L’appel au ressourcement de Jean XXIII comporte l’aggiornamento, mais ce dernier dépend du premier. Cette approche ne dissocie pas « l’Église à l’écoute » de « l’Église enseignante ». Elle a un caractère pastoral en ce sens que vérité et miséricorde coexistent et s’interpénètrent dans la réponse de la Foi Catholique aux défis et évènements de l’existence présente.

Il serait précieux d’inclure l’approche de Jean XXIII aux réflexions du Synode sur la jeunesse.

Source : https://www.thecatholicthing.org/2018/10/10/vatican-ii-and-the-synod-on-youth/

Photo : Paul Haring / CNS