La mort de Vaclav Havel nous renvoie à l’histoire, au delà de l’éloge spontané qui va au Juste et au premier président de la République tchèque de l’après-communisme. Est-ce une question de génération ? Sans doute un peu, parce que ceux qui ont eu vingt ans aux alentours de 1968 n’ont jamais oublié ce qu’on a appelé le Printemps de Prague, l’intervention des forces soviétiques en Tchécoslovaquie et la répression qui s’abattit alors sur ce pays. Ce fut, notamment en France, un moment d’intense réflexion. Même les communistes de chez nous étaient ébranlés dans leur attachement au camp socialiste. Mais il y eut aussi ces années marquées par ceux qu’on appelait les dissidents, c’est à dire ces résistants qui luttaient au prix de tous les sacrifices contre le totalitarisme soviétique dans tous les pays satellites et jusqu’en URSS, avec la figure mémorable du grand Alexandre Soljenitsyne.
À Prague, le combat des dissidents fut incarné par les militants de la Charte 77 dont Vaclav Havel fut un des portes paroles. Je tiens à associer à sa mémoire le philosophe Jan Patocka qui fut lui aussi porte-parole du mouvement et qui mourut des mauvais traitements reçus dans les commissariats du régime communiste. Avec Patocka et Havel, le combat pour la liberté trouvait des hommes de courage et de foi, doués aussi, dans l’ordre de la pensée, d’une force d’inspiration et d’expression qui les plaçait hors du commun. Leur cause a triomphé. Et Jan Patocka n’a pas vu la révolution de velours où son compagnon de combat fut propulsé à la direction de l’État, alors qu’il ne s’y attendait pas du tout.
Oui, Vaclav Havel fut un politique d’un style très particulier, un président-philosophe a-t-on dit. Le régime nouveau qui naquit, sous son autorité et son regard, depuis le fameux château des hauteurs de Prague, correspondait-il exactement à ce qu’il avait rêvé et espéré ? Je ne le jurerais pas. Car il y avait chez cet écrivain-dramaturge une exigence supérieure, affirmée notamment dans ses écrits politiques, qui ne pouvaient se satisfaire de l’horizon consumériste du libéralisme. Une génération s’en va qui a abattu l’oppression, sans renoncer à un monde différent. La suite appartient à d’autres…
Chronique lue sur radio Notre-Dame le 19 décembre 2011.
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