S.S. François secoue l’Église catholique — c’est une évidence. Mais dans quel but? Les avis divergent: en faire une Église des pauvres et des marginaux – une Église plus marquée par la charité , et moins par ses règles – une Église où la collégialité serait un principe fondamental de gouvernance.
Ce sont bien des objectifs que souhaite atteindre le Pape François. Mais il vise autre chose, qui englobe tout le reste: remodeler l’Église catholique pour en faire une Église Missionnaire. Il l’a bien dit dans le premier chapitre de son exhortation apostolique « Evangelii Gaudium » énonçant le programme de son pontificat sous le titre « Une Église en marche ».:
«Nous sommes tous appelés à cette nouvelle “sortie” missionnaire. Tout chrétien et toute communauté discernera quel est le chemin que le Seigneur demande, mais nous sommes tous invités à accepter cet appel : sortir de son propre confort et avoir le courage de rejoindre toutes les périphéries qui ont besoin de la lumière de l’Évangile.» [Evangelii Gaudium 20]
C’est à prendre au sérieux. Pourtant, beaucoup de l’enthousiasme envers le Pape François semble venir de l’idée que sa papauté peut se réduire à alléger les fardeaux, fermer les plaies et pardonner les fautes. En vérité, relever le défi de devenir une Église Missionnaire serait un projet bien plus exigeant — et enthousiasmant — que cette vision simpliste du pape François et de l’Église.
Le prendre au sérieux pourrait bien être une question de survie, ou presque. Une chose est certaine, à moins que le catholicisme Américain se transforme en une Église missionnaire engagée à fond dans le monde, il sera rapidement et irréversiblement un organisme religieux tout rabougri.
À une Église Missionnaire il n’y a que deux — seulement deux — alternatives: une Église assimilée ou une Église-Forteresse.
Dans une Église assimilée, les catholiques seront pour la plupart imprégnés des valeurs matérielles américaines et s’y assimileront. En fait, nombre de catholiques Américains ont déjà fait ce choix, aboutissant à ce résultat inattendu du projet d’américanisation qui guidait le développement du catholicisme en Amérique au cours des deux derniers siècles.
Une Église-Forteresse est fondamentalement différente. Si tel est son avenir, les catholiques se seront considérablement retirés — psychologiquement, spirituellementn et même physiquement — du contact avec la culture laïque, élevant des remparts ecclésiastiques contre toute influence sur leur retraite.
L’Église-Forteresse est déjà visible, et c’est troublant, commençant à s’installer dans une nouvelle sous-culture catholique. C’est le résultat d’une tactique issue du désespoir.
En contraste, alors qu’il se consacrera aussi à lutter contre les valeurs matérielles incompatibles avec la foi, le catholicisme américain en une Église Missionnaire s’attachera fermement à prêcher l’Évangile, attirer de nouveaux convertis, et, si possible, évangéliser la culture elle-même.
Relever le défi lancé par le Saint Père exigera une bonne fois pour toutes qu’on se défasse du cléricalisme — cléricalisme tant des laïcs que du clergé — alors que le cléricalisme est la cause majeure de la passivité flagrante et de la réserve de tant de catholiques laïcs : «Chaque baptisé, quelle que soit sa fonction dans l’Église et le niveau d’instruction de sa foi, est un sujet actif de l’évangélisation…» [Evangelii Gaudium, 120]
Ainsi donc, un plan d’action établi exclusivement ou presque pour des professionnels de l’Église ne marchera pas. Malheureusement c’est ce qui risque de se produire avec l’encadrement cléricalisé du catholicisme américain actuel, persuadé des mérites du ministère laïque mais coupé des réalités tirées de l’expérience d’un solide apostolat laïque au contact du monde.
S.S. François cite la réforme structurelle en vue de l’évangélisation: «J’imagine un choix missionnaire capable de transformer toute chose, afin que les habitudes, les styles, les horaires, le langage et toute structure ecclésiale devienne un canal adéquat pour l’évangélisation du monde actuel, plus que pour l’auto-préservation. La réforme des structures… ne peut se comprendre qu’en ce sens.» [Evangelii Gaudium, 27]
Et il précise, Église, Diocèse, éléments de base de l’évangélisation: «Chaque paroisse, portion de l’Église Catholique sous la conduite de son Évêque, est elle aussi appelée à la conversion missionnaire.» [Evangelii Gaudium, 30]
L’époque n’est guère favorable à la religion en Amérique, nombre d’églises et institutions religieuses sont sur une mauvaise pente en effectifs comme dans le domaine institutionnel. Mais les chiffres de l’Église catholique sont spécialement mauvais. En 2008 l’organisme « Pew Forum on Religion and Public Life » (Institut de sondage sur la vie religieuse) relevait qu’un Américain sur trois élevés dans la religion catholique — 22 millions — l’avait abandonnée, la plupart vers l’âge de 20 ans. Ce chiffre record ressemble à celui des défaillances d’emprunts et hypothèques, effondrement affreusement astronomique, selon le catholique de la vieille école Peter Steinfels.
Et c’est de pire en pire. Selon l’annuaire catholique officiel, de 1988 à 2013, le nombre de mariages à l’église catholique est tombé de 289.000 à 164.000; les baptêmes de bébés, d’un peu plus de 1 million à 763.000; les inscriptions dans des écoles élémentaires et secondaires catholiques sont passées de 2.700.000 à tout juste deux millions; et les inscriptions au catéchisme non scolaire sont tombées de 4.300.000 à 3.400.000. Ce qui signifie que la transmission de la foi catholique par une génération à la suivante a chuté de façon dramatique aux États-Unis au cours de ces quinze dernières années.
À ce train, quel que soit le modèle proposé par l’Église, son futur en Amérique sera affligeant. La priorité N°1 pour une Église Missionnaire en Amérique devrait donc consister en un effort considérable pour encourager les catholiques à la dérive, la plupart sans autre attache religieuse, à revenir au bercail.
S.S. François est attendu en Amérique l’an prochain pour un congrès international sur la famille à Philadelphie. Son message aux catholiques d’Amérique est déjà clair: « Devenez une Église Missionnaire. Votre vitalité — en fait votre survie de communauté ecclésiale — en dépend. Ainsi qu’un immense avenir. »
Source : Wanted: An American Missionary Church – Soon.
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