Ci-contre : le blason de la famille de Grimoard.
Guillaume de Grimoard est né en 1310 dans la province du Languedoc, à Grizac, commune du Pont-de-Montvert (Lozère). Pays cévenol rude et beau, famille connue pour ses vertus. Son père, chevalier courageux à la guerre montrait douceur et compassion envers les pauvres. Sa mère avait une réputation de grande charité.
On est à la fin du règne de Philippe le Bel, qui annonce la guerre de Cent Ans. En Europe, la menace de la poussée musulmane. En Italie, les luttes entre les cités ; à Rome, la révolution perpétuelle obligeant la papauté à chercher refuge en Avignon. 1 Pour l’Église, c’est un temps de contraste entre le peu de zèle d’une partie du clergé et la réforme de plusieurs ordres monastiques encouragée par le rayonnement de nombreux saints comme Vincent Ferrier, Brigitte de Suède, Catherine de Sienne, etc. Pour la culture, c’est la première Renaissance : quand toute l’Europe était encore un peu barbare, avant même l’Italie trop occupée par ses luttes fratricides, le midi de la France est un foyer de lumière où les arts et les lettres s’épanouissent sous l’impulsion des papes d’Avignon. C’est là que Boccace, Pétrarque, Simone Martini et tant d’autres viennent chercher l’inspiration.
Grimoard, après avoir étudié les belles-lettres à Montpellier, s’en fut à Toulouse apprendre le droit civil. Alors qu’il commençait à être remarqué pour sa sagesse, sa tempérance et sa science, il regagna ses montagnes pour y prendre l’habit monastique des bénédictins. Après avoir reçu les ordres, il fut envoyé parfaire son instruction en théologie et droit ecclésiastique à Montpellier. Docteur en droit à 42 ans, sa réputation le fit réclamer pour enseigner à Montpellier, Paris, Toulouse et Avignon où il était considéré comme l’un des hommes les plus savants de son temps.
Charles Pomaret, ancien ministre, qui a été député de Florac a prononcé une conférence publiée en 2003 2 où il présente ainsi son compatriote : « Le voilà vicaire général d’un grand diocèse à Clermont, puis vicaire général à Uzès ; puis encore prieur à Auxerre. À Auxerre, son savoir, sa célébrité attirent assez rapidement sur lui l’attention du pape français d’Avignon, le grand Clément VI qui lui confie une première mission. […] Sa réussite est telle dans ses légations successives, que lorsque l’abbaye de Saint-Victor se trouve libre, le pape reconnaissant y nomme son ambassadeur préféré.
« Là, il commence à s’attaquer à la rénovation de l’abbaye, mais le pape (Innocent VI) ne lui en laisse pas le temps et lui confie encore une mission très délicate à Naples. […] Parti moine de Marseille, en arrivant à Naples, il trouve une tiare. Fait remarquable, rare, unique dans l’histoire de l’Église, un simple moine, abbé, même pas évêque, est élu pape. Il a alors 52 ans. […] Un très grand pontificat commence, qui va durer plus de huit ans. »
L’homme de sciences et le mécène
Urbain V n’eut de cesse de permettre à tous ceux qui s’en révélaient capables d’accéder à l’instruction. Ainsi, les Polonais ayant peine à venir en France ou en Italie, le pape créa en 1364 une université à Cracovie où il envoya les meilleurs professeurs. Il fit la même chose à Pecz, en Hongrie, à Vienne et à Genève. Il fonda les universités d’Orange et d’Angers et institua en de nombreux lieux des facultés de droit civil, de droit ecclésiastique, de théologie et de lettres. Il accorda d’immenses privilèges aux universités de Bologne et de Paris.
Il créa aussi en divers lieux des « studiums », fonctionnant comme des petites facultés pluridisciplinaires, qui n’étaient pas des maisons pour futurs clercs, comme celles qui existaient alors, mais des maisons pour tous, riches ou pauvres, quels que soient leur origine et leur but dans la vie.
Le réformateur
La peste de 1348, puis celle de 1361 avaient désorganisé toute vie sociale. Lorsque le danger fut passé, les survivants rentrèrent chez eux, les moines et moniales regagnèrent leurs couvents et les évêques leurs cathèdres. Mais les habitudes et les mœurs avaient changé. Les uns et les autres avaient pris goût à l’indépendance et à la vie mondaine.
C’est dans ces circonstances qu’Urbain V donna l’exemple d’un pape très pieux et presque austère. Il ne voulut pas quitter sa robe de moine. Il jeûnait deux ou trois fois par semaine et se contentait d’une nourriture frugale et d’un lit très rude. Il se confessait tous les jours avant de célébrer la messe.
Donnant l’exemple d’une vie parfaitement chrétienne il put d’autant mieux l’imposer aux autres. On dit qu’à Rome, pendant le court espace de trois ans où il y demeura, plus de 20 000 hommes reçurent pour la première fois les sacrements de l’Église.
Mais le désordre des mœurs n’était que le reflet extérieur du désordre des idées et Urbain V eut à lutter contre plusieurs hérésies : les restes des Vaudois retirés dans les montagnes de Provence et du Dauphiné ; les Fraticelles (royaume de Naples) attiraient la bienveillance du peuple par leur apparence extérieure humble et mortifiée. Ils se réfugièrent ensuite à Pérouse et y provoquèrent de grands troubles. Les Sociniens, à Venise, croyaient à la parole d’Aristote plus qu’à celle du Christ. Intoxiqués par Averroès, ils enseignaient l’éternité de la matière et le plus grossier panthéisme. Le frère Denys, fraticelle déguisé qui enseignait la théologie à Paris, prétendait que Jésus-Christ et les apôtres ne possédaient rien en propre et que la loi du divin amour ne comporte pas la propriété d’un objet quelconque…
Des erreurs se glissaient dans les deux universités d’Angleterre et préparaient la voie à Wiclef. Les erreurs les plus flagrantes du pélagianisme et du naturalisme commençaient à se répandre. Les sectaires niaient, comme plus tard les protestants, la nécessité du baptême, le péché originel, l’éternité des peines de l’enfer et la grâce divine, etc.
Aidé de Simon de Langhan, archevêque de Cantorbéry qu’il nomma cardinal, Urbain V enquêta soigneusement et condamna 30 propositions hérétiques.
Le bâtisseur
S’il voulait des fondements stables à la piété des fidèles, Urbain V tenait aussi à donner aux populations qui dépendaient de lui la protection de murs puissants. Les villes de Montpellier, Mende, Avignon, Marseille, Rome portent encore les traces de son génie de bâtisseur même si beaucoup de choses ont été détruites ou transformées.
Son retour à Rome (30 octobre 1367) fut l’occasion de grands travaux : Il restaura les églises de Saint-Pierre et de St-Paul et celle de Saint-Jean de Latran. Il fit restaurer le Vatican qui devint la résidence des papes et il y créa les fameux jardins que l’on peut voir encore aujourd’hui.
Le diplomate et le pacificateur
Le bienheureux pape Urbain V nous intéresse particulièrement aujourd’hui parce qu’il était un précurseur – comme l’a souvent été l’Église – et ses préoccupations étaient au fond les mêmes que celles que nous connaissons aujourd’hui. Troublé par les guerres qui ensanglantèrent le XIVe siècle, il n’eut de cesse, notamment par l’entremise de son bras droit, le cardinal Albornos, de jeter les bases d’une paix qu’il espérait durable, d’abord en Italie, et d’étendre la civilisation partout en Europe.
En France, la guerre de Cent Ans était sans cesse renaissante et Urbain V usa de son influence pour contenir les prétentions du roi d’Angleterre ou pour aider de ses subsides et de ses conseils le roi de France et Du Guesclin.
Mais, en même temps, l’Européen réagit au-dessus des luttes partisanes ; inquiet d’une nouvelle flambée de violence entre les Français et les Anglais, il quitte Rome et revient en Avignon dans l’intention de préparer une rencontre entre les deux rois pour leur imposer sa médiation. Malheureusement, il meurt peu de temps après son arrivée.
L’État pontifical avait gardé le droit romain dans toute sa pureté. Sous l’impulsion d’Urbain V, Albornos a repris ce droit et l’a modernisé dans des constitutions appelées œgidiennes, du nom d’Œgidius Albornos. Elles eurent force de loi, avec quelques retouches et adaptations jusqu’à la fin des États pontificaux. C’est ainsi qu’Albornos peut être appelé le fondateur de la puissance temporelle des papes et qu’une partie de cette gloire revient au pape Urbain V qui l’assista de ses conseils et couvrit cette œuvre de son autorité.
L’œcuménisme
Il est encore un point où Urbain V fut un précurseur : c’est son zèle œcuménique.
Il ne lui suffisait pas de remettre de l’ordre dans les affaires internes de l’Église, il était sensible à l’éloignement des populations orthodoxes et voulut à tout prix réunir l’Empereur d’Orient, Jean Paléologue, à l’Église romaine.
Au début de 1369, Jean Paléologue et l’impératrice Hélène Cantacuzène arrivent à Rome. Voici sept siècles que Rome n’avait pas vu l’empereur d’Orient. Celui-ci passe six mois à Rome. Le 8 octobre 1369, il abjura solennellement en présence de plusieurs cardinaux. Sur le moment, tout l’Orient fut gagné par l’exemple des Grecs : le patriarche des Nestoriens, Marauze, vint de Mossoul à Rome et s’y convertit entre les mains du pape. Toute la politique de ce dernier tendait à instaurer un front d’États catholiques pour contenir l’Islam. C’est ainsi que la Bulgarie, la Valachie, la Moldavie opposeront une barrière solide aux musulmans quand Constantinople sera tombé entre leurs mains. En Bulgarie notamment, ses missionnaires convertissent 200 000 princes et serfs.
Les Frères Mineurs allèrent sillonner la Lituanie et la Géorgie et y firent des conversions en grand nombre. Enfin, la plus célèbre des missions d’Urbain V fut celle qu’il envoya en Russie et jusqu’en Mongolie chez les Tartares afin de prendre l’Islam à revers. Urbain V exerça son ardeur évangélisatrice jusqu’en Chine où il envoya un archevêque pour Pékin et soixante-dix missionnaires.
Le Saint
La seule ambition de Guillaume de Grimoard était de devenir un saint. Lors de son élection pontificale il expliqua ainsi le choix de son nom : « Urbain V, parce que les quatre premiers Urbain ont été des saints. »
Et saint, il l’est devenu. D’abord à travers une vie intense de prière et de détachement de tout confort de ce monde pour être entièrement disponible à la volonté divine. À l’automne 1370, se sentant malade, il craignit que le prochain conclave fût à nouveau l’otage de rivalités de clans dans un climat d’émeutes et il choisIt de regagner Avignon pour garantir un climat serein à l’élection de son successeur.
On sait que son successeur, Grégoire XI, retourna à Rome. Malheureusement à sa mort, ce qu’avait redouté en son temps Urbain V arriva : l’élection pontificale eut lieu dans un climat d’intimidation et le nouveau pape fut contesté ; et ce fut le début du grand schisme d’Occident qui dura trente-trois ans et anéantit une bonne part de la tâche réformatrice d’Urbain V.
Toujours est-il qu’en décembre de cette année 1370, après plusieurs semaines de grandes souffrances, il rendit son âme sainte à Dieu.
Aussitôt les miracles se multiplièrent sur sa tombe. Cinq ans plus tard, le roi de Danemark Waldemar, le premier, demanda au pape Grégoire XI sa canonisation. Hélas, le grand schisme d’Occident survint qui désorganisa toute la vie de l’Église et fit tomber dans les oubliettes cette cause si bien partie.
Néanmoins, un culte fut rendu de façon continue notamment dans les diocèses de Marseille et d’Avignon. Il était fêté dans la liturgie le 19 décembre et aujourd’hui le 6 novembre. Il fut enfin béatifié par le pape Pie IX le 10 mars 1870.
Aujourd’hui, son procès en canonisation est promu par une association créée par un descendant du frère d’Urbain V, Renaud de Laubespin (habitant encore sa maison natale en Lozère, classée Monument historique en 1984). Cette cause est soutenue par les évêques de Mende, Avignon, Marseille, Albi, de Toulouse et de Cracovie (en souvenir de l’université qu’il y a créée) et par de nombreux Pères Abbés bénédictins, à commencer par l’Abbé Primat, le T.R.P. Notker Wolf, en résidence à Rome. Tous ceux qui seraient intéressés par cette grande figure de l’Église sont invités à adhérer à cette association 3 , et à participer au grand colloque qui aura lieu au Collège des Bernardins à Paris, le 9 octobre 2010.
Claire de GATELLIER
Les personnes qui ont reçu des grâces par l’intermédiaire du bienheureux pape Urbain V, sont priées de les faire connaître à l’association des « Amis du Bienheureux Pape Urbain V », en s’adressant au secrétaire : Dominique Merle – 48000 Le Born
Pour envoyer un email à l’association :
postmaster@pape-urbain-v.org
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Château de Grizac – 48220 Le Pont de Montvert
Téléphone : 06 08 35 29 69
Moyen d’accès : CD 20 du Bleymard à Barre-des-Cévennes
http://fr.wikipedia.org/wiki/Ch%C3%A2teau_de_Grizac
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Visite virtuelle du palais des Papes à Avignon
http://www.palais-des-papes.com/pages/pdpvirtuelle.html
- Clément V s’installe à Avignon en 1309 et Clément VI officialise la situation en achetant Avignon en 1348 à la comtesse de Provence, Jeanne Ière, reine de Sicile. Les papes quitteront définitivement la ville en 1417. Avignon restera possession de la papauté jusqu’à la Révolution, gouvernée par des légats.
- In Revue du Gévaudan des Causses et des Cévennes, 2e semestre 2003.
- Association des Amis du Bienheureux Urbain V – château de Grizac 48220 Le Pont-de-Montvert. Cotisation 10 e.
Pour aller plus loin :
- Vladimir Ghika : le contexte politique avant la guerre de 1914-1918
- Liste des ouvriers pastoraux, Evêques, Prêtres, Religieux, Religieuses et Laics tués en 2011 et 2010
- Le défi du développement des peuples et le pacte de Marrakech - la fuite en avant des Nations Unies
- La France et le cœur de Jésus et Marie
- Un pape français aux Bernardins...