Universités catholiques — catholiques? - France Catholique
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Universités catholiques — catholiques?

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Nous célébrerons cette année le 15 août le vingt-et-unième anniversaire de la constitution « Ex corde ecclesiae » (Née du cœur de l’Église) promulguée par Jean-Paul II sur les universités catholiques. Ce document, fort nécessaire, ne fut pas trop bien accueilli — on ne saurait mieux dire — lors de sa publication et se heurte encore actuellement à de fortes résistances. Nombre de personnes, évêques, administrateurs d’universités ou de facultés préfèrent ne pas le comprendre, et donc le laisser de côté pour traiter de sujets plus importants à leurs yeux.

Pour Jean-Paul II, « la tâche privilégiée d’une Université catholique est d’unifier existentiellement, dans le travail intellectuel, deux ordres de réalités qu’on a trop souvent tendance à opposer comme si elles étaient antithétiques, la recherche de la vérité et la certitude de connaître déjà la source de la vérité.» Choquant, non ? Attribuer à l’Église un rôle privilégié dans la recherche de la vérité !

Ce concept allait à l’encontre du germe séculariste moderne. La tendance séculariste au sein de l’Église consiste à voir l’Église comme une institution sur le même pied que les autres institutions. Certains évêques, certains prêtres, se voient de l’œil séculier du professionalisme, gestionnaires efficaces chargés de multiples tâches. La vérité ne semble guère tenir de la place là-dedans.

Pire, la foi ne semble pas y participer. Et par ce manque de foi en Jésus Christ et son Église on se résigne à simplement coexister avec les autres institutions, avec le monde politique, le monde des affaires, de la médecine, de la culture, et — bien sûr! — de l’enseignement.

D’un autre point de vue, la considération arrogante et apathique accordée à « Ex corde ecclesiae » aux États-Unis tenait à la tradition anti-dogmatique découlant du libéralisme. Selon Henry Newman, le libéralisme « consiste à sous-évaluer ou à mépriser l’ancienneté et l’autorité de l’Église afin de s’appuyer sur ses propres raisonnements.»

Le solipsisme pratiqué par certains évêques, certains présidents et administrateurs (d’universités) montre que la nature profonde d’une université et sa mission dans la société sont malicieusement déformées. Lorsque Jean-Paul II déclare: « Notre époque, en effet, a un urgent besoin de cette forme de service désintéressé qui consiste à proclamer le sens de la vérité, valeur fondamentale sans laquelle la liberté, la justice et la dignité de l’homme sont étouffées.» il pointe du doigt le travail crucial des institutions au niveau des universités.

Mais cela ne peut survenir si les institutions explicitement catholiques n’ont pas le droit — mieux, l’obligation — d’exercer dans la totalité de leur domaine. Ce qu’elles ne peuvent faire sans s’attacher en symbiose à l’Église en tous domaines.

La situation historique que nous connaissons — opposition ou démission envers la nature catholique des établissements catholiques d’enseignement supérieur — existe depuis fort longtemps, si longtemps qu’on ne va pas y revenir. Phillip Lawler a tracé les grandes lignes de l’effondrement de la culture catholique en Amérique dans son livre pénétrant « The Faithful Departed » (Les fidèles sont partis). C’est arrivé avec la participation, active ou passive, de personnes au sein ou hors de l’Église. Malheureusement, « Ex corde ecclesiae » n’a pas incité à l’examen de conscience si nécessaire et qui aurait fait si grand bien à toute l’Église.

Si de sérieux efforts avaient été fournis pour traiter cette question — pourquoi être contre « Ex corde ecclesiae » compte-tenu de son enseignement traditionnel sur la nature de l’Église — on aurait eu des éclaircissements sur l’autre point de vue d’ecclésiastiques officiels au sujet des institutions. L’ultime question aurait pu jaillir: « croyons-nous encore à la Sainte Église catholique? » Ou « n’aurons-nous qu’un chèque-restaurant? Appartenons-nous à l’Église parce qu’elle possède la photocopieuse » (citation d’un médiocre penseur).

Le Pape Jean-Paul II esquissait un immense projet impliquant les universités d’une façon bien spécifique — certes pas en laissant le freiner ou le dénaturer ceux qui vivent pratiquement aux crochets de l’Église, car c’est l’humanité entière qui en subirait les lourdes conséquences. Il a écrit:
« si les découvertes scientifiques et technologiques comportent d’une part une énorme croissance économique et industrielle, elles imposent inévitablement d’autre part une recherche nécessaire, relative à leur signification, afin de garantir que ces nouvelles découvertes soient utilisées pour le bien authentique des individus et de la société humaine dans son ensemble. Si toute Université a la responsabilité de rechercher cette signification, l’Université catholique est appelée de façon spéciale à répondre à cette exigence: son inspiration chrétienne lui permet d’inclure dans sa recherche la dimension morale, spirituelle et religieuse et d’évaluer les conquêtes de la science et de la technique dans la perspective de la totalité de la personne humaine.»

L’Église est le gardien de l’humanité. Mais pendant des années elle s’est laissée dévier et saboter dans son œuvre, de l’intérieur comme de l’extérieur. Quand accepterons-nous de voir les directives et les efforts intellectuels nécessaires pour servir l’humanité selon les plans de Dieu?


NDT: les citations tirées de « Ex corde ecclesiae » sont issues de la version officielle en français de cette constitution.

Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2011/actually-catholic-universities.html