Universalisme, vérités et contre-vérités - France Catholique
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La justice de Dieu
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Universalisme, vérités et contre-vérités

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L’empire Romain, dans ses fondements philosophiques, plaçait chacun sous la même loi, en une fraternité commune et avec une langue unique. De même, on dit de la loi de la nature qu’elle est universelle. Tous y sont soumis. Elle ne tient aucun compte des frontières et autres séparations humaines. Le commandement aux Apôtres « Allez, et enseignez toutes les nations » était bien une directive sans frontières. Aucune culture n’aurait pu avoir plus précise définition. Bien qu’il n’en soit nul besoin, on peut interpréter ces traditions comme le rejet des régionalismes, des particularismes, du fédéralisme.

Aristote était hostile aux idées impérialistes d’Alexandre le Grand. Il pensait qu’il faudrait une inspiration divine et pleins pouvoirs pour réunir tous les humains sous une loi globale. Le seul résultat d’une telle organisation serait une tyrannie totale, telle que révélée par l’Apocalypse.

Dans le même esprit, Léo Strauss nous invite à une certaine « modération » dans ce qu’on pourrait attendre de telles ambitions universelles. Le « drapeau du monde » de Chesterton et le régionalisme de Wendell Berry faisaient partie des réactions à l’ambition de loger tous les humains sous le même toit.

Nietzsche écrit, dans Par-delà bien et mal – Prélude d’une philosophie de l’avenir (1887) à propos de ses bons amis européens: « J’ai trouvé que vous n’aimez plus guère l’idée de croire en Dieu et au bien » (N° 295). Ce manque de foi largement répandu était sans doute la raison principale du mépris de Nietzsche envers l’Europe, sa foi, et une philosophie moderne débouchant sur une incohérence intellectuelle, mais il ne l’aurait nullement avoué. Nietzsche était prêt à croire si les croyants avaient la foi, mais il constatait qu’ils ne l’avaient pas.

En nous séparant de Dieu nous éliminons l’origine possible d’un ordre rationnel voulu à la fois dans l’univers et dans notre for intérieur. Nietzsche disait : « Regardant en arrière, nous voyons que l’Histoire est une épouvantable domination de hasard et de non-sens. » (N° 203). Nous devons remplacer Dieu par quelque chose si quelque chose a un sens. Pour Nietzsche il s’agissait de volonté — seule obligation.

Cependant, pour beaucoup, de nos jours, il s’agit d’universalisme ou mondialisme, quoiqu’avec le même fondement volontaire. On ne croit plus en Dieu, mais on « croit » en l’homme et à ses « droits » pour faire un « monde meilleur », à condition de ne pas donner de définition au mot « meilleur ».
Socrate resta à Athènes plutôt que s’exiler à Thèbes ou en Thessalie. De nos jours le monde est dominé par les migrations, migrations causées par la dénatalité de pays manquant de main d’œuvre pour soutenir les populations vieillissantes ou improductives. Une notion quasi-mystique des masses pauvres et agglutinées a pris la place de Dieu.

Et ainsi, si les gens ont le « droit » de migrer, toutes les nations ont le devoir de les accueillir. Notre idéal serait de mêler tous avec tous. Que personne ne remarque qui est son voisin. Les différences de religion, de race, de culture, de moyens matériels, de sexe, d’âge, çà n’existe pas. Il faut abattre tous les principes de base, leur retirer tout sens. L’unité sera accomplie quand la diversité aura perdu toute raison de décider quoi que ce soit.

Mais bien des pays refusent les immigrés, ou au moins certaines catégories. Et que les immigrés soient légaux ou illégaux, ils ont le « droit » de rester là. On doit les traiter comme de véritables citoyens. Les frontières sont périmées. Nous sommes implicitement « citoyens du monde ». La mondialisation est l’ordre nouveau. L’environnement est l’ordre nouveau. La « communication » est l’ordre nouveau. Nous ne pouvons plus nous offrir le luxe d’états, de nations. Il nous faut un gouvernement mondial et une organisation conforme à cette « réalité » où chaque citoyen d’un pays est citoyen d’un autre pays.

Chacun a « droit » à tout ce à quoi les autres ont droit — santé, nourriture, travail, habillement, logement, scolarisation — où qu’il soit, quoi qu’il fasse, quelle que soit sa contribution. On tolèrera la religion pourvu qu’elle ne soit rien de plus que d’anciennes coutumes.

Nous n’avons plus de traditions, de morale, d’héritage national commun. Nous sommes tout d’abord citoyens du monde. Notre « volonté » est d’aménager ainsi notre existence. Chacun est l’ami de chacun. La nationalité et l’amitié sont universelles. Les particularismes, même au sein des familles, sont démodés. Les enfants appartiennent à tous. La charité n’est pas un don divin. C’est le rôle de l’homme. C’est un droit.

Dieu est remplacé par le monde et ses ambitions. C’est le genre humain qui est important, pas ses membres qui le composent. Ceux qui n’acceptent pas cette vision sont source de mal. On doit tout admettre, sauf les doutes sur cet universalisme. On « forcera à être libres », selon une phrase célèbre, ceux qui douteraient.

Dans un tel monde, pas besoin de révélation. Qu’ajouterait-elle à ce que nous possédons déjà? Déclarer qu’il y a un au-delà, qu’il y a des limites à nos prétentions, ne peut que saper notre confiance en notre mission inter-mondiale. Que pourrait nous apporter une révélation que nous ne sachions déjà? Pour le bien commun universel, tel qu’ainsi défini, il vaut mieux ne pas savoir.

James V. Schall, S.J.

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Tableau : Friedrich Nietzsche – Edvard Munch, 1906.

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Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2011/universalism-true-and-false.html