On s’interrogera encore longtemps sur l’étonnante communion que l’incendie de Notre-Dame a provoquée dans notre pays, créant une sorte d’unanimité surprenante alors même qu’on s’inquiétait depuis des mois d’une France divisée, éventuellement en archipels. Les analystes politiques s’interrogent, tout en se félicitant du miracle paradoxalement accompli à cause d’un sinistre. Bien sûr, cette splendide unité a tout de suite été compromise par des polémiques sur l’argent réuni pour reconstruire, sur la façon de reconstruire la cathédrale. Mais l’attachement à Notre-Dame comme symbole permanent d’une certaine idée de la France n’en a pas moins persisté, l’unité n’empêchant pas la multiplicité des regards que pourtant elle fédère. La belle émission spéciale de la grande librairie sur la Cinq nous en a apporté la preuve par ses références littéraires et par la diversité des discours des admirateurs de Notre-Dame. Le regard de Sylvain Tesson qui a escaladé 150 fois l’édifice n’est pas le même que celui de François Cheng qui insiste sur la symbolique mariale. Le philosophe Alain Finkielkraut ne s’exprime pas exactement comme l’historien Pierre Nora.
Qu’importe, puisqu’il sont tous rassemblés par un amour commun ! Et le président de la République lui-même, visiblement ému, s’en est retrouvé revêtu du costume de fédérateur, au point que Françoise Fressoz peut écrire dans Le Monde : « La vieille dame aura aidé le jeune président de la République à s’entourer d’histoire et de sacré, là où la sortie du grand débat national menaçait de le transformer en plombier sortant quelques rustines de sa boîte à outils. »
Mais que signifie ici le sacré ? L’ambiguïté est majeure. Je l’ai déjà indiqué à propos de l’opposition frontale entre Laurent Joffrin et Fabrice Luchini sur la dimension religieuse de Notre-Dame. Le président lui-même, qui avait, dans un premier temps, souligné cette dimension, l’a totalement effacée dans un second temps, provoquant la protestation de l’archevêque de Paris. C’est peut-être aussi que Notre-Dame pourrait être un objet de contradiction, dès lors qu’on s’interroge sur sa véritable identité. Les évêques de France publient un ouvrage sur ce qu’est l’anthropologie catholique. Une anthropologie qui est sûrement en symbiose avec le message d’humanité de Notre-Dame. Mais une anthropologie contestée à tel point que la philosophie en est devenue folle, pour reprendre le titre de l’ouvrage de Jean-François Braunstein, un des plus importants parus ces derniers mois.
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 24 avril 2019.
Pour aller plus loin :
- Le défi du développement des peuples et le pacte de Marrakech - la fuite en avant des Nations Unies
- La France et le cœur de Jésus et Marie
- OBSERVATION : SCIENCE ET MIRACLE
- Vladimir Ghika : le contexte politique avant la guerre de 1914-1918
- Liste des ouvriers pastoraux, Evêques, Prêtres, Religieux, Religieuses et Laics tués en 2011 et 2010