La renonciation de Benoît XVI a été l’occasion d’un beau déballage médiatique, qui ne devrait plus nous surprendre, notamment à la suite de ce qu’on a appelé les crises qui se sont produites au long de ces huit années de pontificat. Mais il me semble qu’un des problèmes qui se pose dans les rapports entre l’Église et les divers commentateurs qui la mettent en question relève d’une différence de culture. Ainsi, on m’a interrogé hier à propos du parallèle à faire entre Stéphane Hessel, mort hier, et Benoît XVI. L’un communiquait-il mieux que l’autre ? Ils n’étaient pas porteurs du même message, s’ils avaient en commun un certain souci de l’homme. Une encyclique ne relève pas du genre littéraire choisi par Stéphane Hessel dans sa fameuse brochure intitulée Indignez vous ! Je n’ai nullement envie d’opposer les deux hommes. Chacun s’exprimait selon ses convictions propres et son mode littéraire.
Mais justement, Benoît XVI puisait à une culture, un corpus qui n’était pas ceux de son contemporain. Était-il, de ce fait, moins bien compris que lui ? Peut-être, mais jusqu’à un certain point. Et s’il s’était avisé de correspondre à ce langage, codifié « droits de l’homme », il aurait perdu son originalité, ce qui est secondaire, mais surtout sa véracité. Le pape est l’interprète d’une pensée qui prend sa source dans l’Écriture sainte et se développe dans une tradition d’une prodigieuse richesse. A fortiori, lorsqu’il est théologien et savant comme Joseph Ratzinger, il nourrit son discours de références bibliques, patristiques, qui lui confèrent toute sa densité. Cela ne veut pas dire que ce même discours soit étranger aux apports de la pensée moderne.
Ceux qui ont lu les ouvrages du théologien savent qu’ils sont aussi remplis de références aux grands philosophes, même politiques, contemporains. Pierre Morel, notre ancien ambassadeur auprès du Saint-Siège, a rappelé sur notre antenne les deux voyages de Benoît XVI aux États-Unis et en Grande-Bretagne, où ses hôtes ont dit leur admiration pour la connaissance précise que le pape avait de leurs traditions nationales.
C’est une des raisons pour lesquelles Benoît XVI laissera une trace dans l’histoire contemporaine. La pertinence de sa pensée était fondée sur sa connaissance du patrimoine théologique mais aussi des grandes questions contemporaines. Il fallait faire effort pour l’entendre, mais c’était tout bénéfice pour l’approfondissement de la foi et une meilleure approche des enjeux de civilisation. On n’oubliera jamais pareille voix.