Par Marc Fromager
Dans l’extrême nord-est de l’Inde, coincé entre la Chine et la Birmanie, il existe un endroit où les catholiques sont passés en 25 ans de 0 à 150 000 ! Nous sommes dans l’Arunachal Pradesh, un Etat interdit d’accès aux missionnaires jusqu’en 1990. Depuis le 7 décembre 2005, il existe deux diocèses, celui d’Itanagar, chef-lieu de l’Etat, et celui de Miao, où l’évêque, Mgr George Palliparampil, salésien, a travaillé pendant plus de vingt ans, dont plusieurs années clandestinement. Arrêté à quatre reprises, rien ne semble pourtant avoir pu freiner l’évêque, animé d’un zèle apostolique hors du commun. Le rythme effréné de la semaine de visite du diocèse préparée pour nous donne une idée de son marathon quotidien. Les prêtres de son diocèse n’auront pas le loisir de se reposer pour reprendre leur souffle…
A la messe du dimanche à Lazu, à quelques kilomètres de la frontière birmane, l’église est bondée : l’évêque procède à près de 300 confirmations puis 30 premières communions. On est à la montagne, la population est essentiellement tribale, et chaque tribu a sa propre culture, sa propre langue, ses propres danses et vêtements, mais tous reçoivent le même Esprit-Saint. «Dans ce diocèse, tous les dimanches, il y a des conversions et des baptêmes » nous dit l’évêque. Mais il n’en a pas toujours été ainsi. Il y a quelques années seulement, le christianisme était totalement hors la loi. Alors qu’il était encore prêtre, l’évêque a longtemps eu sa photo affichée aux postes de contrôle : il était recherché !
Que de chemin parcouru, depuis ce 2 août 1978, jour où un chef de village, Wanglat Lowangcha, qui avait étudié dans une école catholique à Shillong (près du Bangladesh), s’est publiquement converti. Un an plus tard, le 2 août 1979, dans ce même village, Borduria, 924 personnes reçoivent le baptême. Quatorze ans plus tard, le 2 août 1993, la première église en dur de l’Arunachal Pradesh est consacrée à Borduria, en présence de Mère Térésa. On comprend que la date du 2 août soit importante pour les catholiques sur place, mais elle l’est d’autant plus qu’elle renvoie à des origines héroïques. Car, en fait, tout a réellement commencé avec deux missionnaires français des Missions Etrangères de Paris, les pères Nicolas Krick et Augustin Bourry*, assassinés dans cette région en 1854, mais dont les fidèles de cette jeune Eglise se réclament. Il aura fallu attendre un siècle et demi pour découvrir la fécondité de leur mission ! Leur dernière date du 31 juillet, et pour Mgr Palliparampil, il n’y a pas de doute, ils ont été martyrisés le 2 août, et ainsi tout s’explique ! Ce serait en tous cas un beau clin d’œil de la Providence. Quoiqu’il en soit, c’est après un pèlerinage de quelques catholiques réunis autour du père Palliparampil en janvier 1991 sur les pas de Krick et Bourry que tout va s’accélérer pour l’Eglise.
L’évêque a choisi pour devise : « Que votre lumière brille ! » (Mt 5,16), ce qui était assez audacieux pour l’Arunachal Pradesh, qui signifie « Pays du soleil levant »… Il semble avoir gagné son pari. La loi anti-conversion reste en vigueur, mais son application est chaque jour un peu plus démentie. Le Nonce apostolique, rencontré à New Delhi, nous a dit rêver du jour où des milliers d’Indiens viendraient se faire baptiser dans le Gange… Oui, l’annonce de l’Evangile ne fait que commencer !
*cf. Les Porteurs d’espérance, La mission du Tibet-Sud (1848-1854) de Françoise Fauconnet-Buzelin (Cerf 1999)
Pour aller plus loin :
- LE MINISTERE DE MGR GHIKA EN ROUMANIE (1940 – 1954)
- Liste des ouvriers pastoraux, Evêques, Prêtres, Religieux, Religieuses et Laics tués en 2011 et 2010
- L'Asie à travers l’expérience des MEP
- Le défi du développement des peuples et le pacte de Marrakech - la fuite en avant des Nations Unies
- Vladimir Ghika : le contexte politique avant la guerre de 1914-1918