Nous sommes donc maintenant à la veille du premier tour des présidentielles. Nous saurons très vite, dans une quinzaine de jours, quel visage aura à incarner notre pays pour les échéances à venir. Un visage, c’est-à-dire une personnalité qui aura été distinguée, beaucoup plus qu’un programme, me semble-t-il. Non qu’il convienne de dédaigner les propositions des candidats. Mais les événements, bien souvent, s’érigent à l’encontre de ce qu’on appelle, avec un peu d’ironie, « les promesses ». On se souvient peut-être de la formule, que l’on attribue d’ailleurs à plusieurs auteurs. Est-ce Henri Queuille, Charles Pasqua ou encore Jacques Chirac, qui proférait que « les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent » ?
Au-delà du cynisme, il y a l’affirmation d’un certain réalisme dans un tel propos. Qui pouvait prévoir que le quinquennat d’Emmanuel Macron se heurterait à la révolte des Gilets jaunes, à l’épidémie du Covid et enfin à la guerre en Ukraine ? Oui, d’une certaine façon, c’est toujours l’inattendu qui survient pour démentir les programmes les mieux ajustés. Et parfois c’est plus grave encore, car ce ne sont pas seulement les promesses qui se trouvent trahies, mais l’orientation idéologique, voire philosophique d’un responsable et de sa famille politique.
C’est ce qui s’est passé avec François Mitterrand, parti d’un programme commun signé avec le parti communiste de Georges Marchais et se trouvant contraint à un tournant résolument libéral sous l’impulsion de Jacques Delors. Nous subissons d’ailleurs les conséquences durables de ce tournant de 1983. Le phénomène Macron ne s’explique que par l’abandon de l’orientation socialiste de la gauche, avec le passage dans un nouveau centre des cadres et de l’électorat héritiers du mitterrandisme. Et nous assistons à une redistribution complète sur la scène politique, impensable il y a encore une trentaine d’années. La perspective d’un affrontement final entre le président sortant et Marine Le Pen constitue la véritable donnée de ces présidentielles. La France a profondément changé et les forces politiques témoignent à l’évidence de ce changement dont nous n’avons pas fini de mesurer les conséquences.