La Russie célèbre donc aujourd’hui sa victoire sur l’Allemagne nazie. Le lendemain de notre propre célébration de la victoire de 1945. Voici plusieurs semaines déjà qu’on s’interroge sur la façon dont Vladimir Poutine va s’emparer de l’événement. À l’occasion du grand défilé sur la place Rouge, peut-il annoncer une victoire qui paraît bien problématique sur le terrain ? Ou bien annoncera-t-il qu’il passe à un échelon supérieur ? D’une opération militaire à une véritable déclaration de guerre ? On sera de toute façon attentif au message transmis. Il serait contre-productif s’il était démenti par la réalité du terrain.
Mais par ailleurs, même s’il est difficile d’évaluer exactement la situation personnelle du maître du Kremlin, on peut avoir le sentiment qu’il joue son propre avenir dans cette aventure où il s’est jeté. Le symbolisme de la place Rouge avec ses grandes parades militaires est impressionnant. Et de ce point de vue on s’interroge pour savoir si la Russie d’aujourd’hui a vraiment rompu avec la Russie soviétique. Car c’est toujours la puissance d’un empire qui s’y affirme même si c’est un empire mutilé. Et on sait que Poutine regrette amèrement l’effondrement de l’empire qu’avait constitué Staline. Ce n’est pas pour rien que le souvenir du despote sanglant continue à se répandre avec une aura qui nous surprend et qui nous scandalise.
Pour les dirigeants actuels et pour une grande partie de la population, il est impossible de dissocier Staline de la victoire sur l’Allemagne nazie, avec tout ce qu’elle suppose de sacrifices qui pèsent lourd dans la mémoire nationale. Bien sûr, il y a eu la rupture, avec la fin du communisme, mais cela ne veut nullement dire que la Russie a vraiment changé de nature, en rompant avec les mœurs soviétiques, notamment au sommet. De bons connaisseurs nous décrivent le pays dans une dangereuse situation d’anomie, avec une société civile écrasée. Est-ce cette réalité-là qu’il nous faudra décrypter derrière le grand spectacle du 9 mai ?