Depuis quelques jours, nous assistons aux États-Unis et en Europe à une vaste entreprise iconoclaste. Il faut prendre le mot au sens purement étymologique. L’iconoclaste c’est simplement un briseur d’images. Si l’on consulte le Petit Littré, on est renvoyé à tout un contexte religieux ancien, notamment à cette secte qui sévit au VIIIe siècle pour faire la guerre aux saintes images. Voilà qui parle d’ailleurs directement à nos amis orthodoxes qui célèbrent, chaque année, le triomphe de l’orthodoxie, précisément sur l’iconoclasme, c’est-à-dire l’interdit jeté sur la vénération des icônes du Christ, de la Vierge et des saints. L’iconoclasme, sous une autre forme, réapparaît d’ailleurs au XVIe siècle, avec une tendance de la Réforme anti-catholique. Mais l’iconoclasme qui sévit en ce moment n’a de rapport avec ces précédents que par la mise en cause de certaines représentations que l’on pourrait définir comme inhérentes à un certain sacré profane. Car ce sont les icônes de la vie civile qui se trouvent souillées ou détruites en raison de ce qu’elles symbolisent dans la vie des nations.
Il n’y a pas que Colbert qui soit visé comme rédacteur du Code noir au XVIIe siècle. Il y a aussi George Washington, Winston Churchill, le général de Gaulle. On a même vu des tombes d’un cimetière militaire saccagées. Comment ne pas songer plus encore qu’à l’iconoclasme religieux, à la révolution culturelle chinoise, telle qu’elle fut déclenchée en en 1966, à l’instigation de Mao Tsé-toung. Il s’agissait sans doute, pour le grand timonier, de reprendre en main solidement les rênes du pouvoir. Mais c’était sous le mode d’une révolution culturelle, où il s’agissait d’arracher le pays à son passé et à toutes ses valeurs traditionnelles. C’est ainsi que des milliers de sculptures et de temples bouddhistes furent détruits. Fort heureusement, la révolution culturelle, à laquelle nous assistons, ne se distingue pas par la férocité de la révolution chinoise qui fit des millions de morts. Mais il y a quelque chose d’analogue dans cette volonté forcenée de vouloir effacer et détruire les symboles du passé.
Sans doute, la question du racisme et du passé esclavagiste de l’Occident est elle à l’origine de cette révolution culturelle, et c’est plutôt une volonté purificatrice qui s’affirme ainsi dans le but d’imposer un discernement historique. Mais force est de constater aussi que la dynamique purificatrice va beaucoup plus loin lorsqu’elle s’en prend à des figures aussi emblématiques que Washington, Churchill et de Gaulle. C’est du passé global que l’on veut faire table rase, et du même coup on expose toute une jeunesse à une aventure non seulement inconsidérée, mais dangereuse dans ses finalités et ses conséquences.
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 17 juin 2020.
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