Selon la légende, lors de la conclusion des délibérations de la Convention constitutionnelle de 1787, une foule se rassembla devant la Salle de l’Indépendance à Philadelphie. Quand Benjamin Franklin sortit de la salle, une femme l’interpella : « Eh bien, docteur, qu’avons-nous, une république ou une monarchie ? » A quoi Franklin répondit : « Une république, si vous pouvez la garder. »
L’histoire fut souvent répétée par les membres des deux partis l’an dernier pendant la procédure d’impeachment du Président Trump. Bien sûr, raconter l’histoire ne résolvait la question ni dans un sens ni dans un autre.
Qui s’occupe de la Constitution désormais ? Beaucoup d’Américains le font. Et tous les Américains le devraient. Non pas la Constitution créée à partir des interprétations variées de la Déclaration des droits, mais la Constitution elle-même et la forme de l’Organisation constitutionnelle qu’il était écrit de créer et de protéger.
Ne nous trompons pas : un plus grand respect pour l’ordre constitutionnel et une volonté de dévouer nos « vies, fortunes et honneur sacré » à sa préservation sont les seules choses qui nous séparent de la tyrannie. Ce peut être la tyrannie du chaos, la tyrannie d’un parti politique ou celle d’une idéologie politique, mais la tyrannie est là, installée, dans notre pays et il y aura tyrannie, à moins que nous renouvelions notre dévouement à la forme républicaine de gouvernement qui nous a été léguée.
Ce que simplement je ne peux comprendre, c’est pourquoi chaque école, et université de la nation n’exige pas de cours sur la Constitution et les Federalists Papers1. Comment tout diplômé peut-il sortir du lycée ou de l’université sans avoir acquis un niveau exigé de compréhension du texte de la Constitution ? Je ne parle pas d’une certaine interprétation de la manière dont la Déclaration des droits devrait être appliquée – nous pouvons réserver pour plus tard la discussion sur l’”incorporation” de droits par le Quatorzième amendement et toutes les discussions sur les “pénombres” et les “émanations” – mais d’un cours solide, fondamental sur la structure de base et la forme de la Constitution.
Pourriez-vous inspirer le respect pour Shakespeare sans lire ses textes ? Ainsi qui serait assez stupide pour imaginer que de jeunes Américains (et nos étudiants invités qui viennent d’autres pays) pourraient apprendre à aimer et à apprécier la Constitution s’ils ont peu ou pas du tout de compréhension de ce qu’elle est ?
Le comédien Jay Leno avait l’habitude dans son Tonight Show de poser à de jeunes adultes des questions sur certains faits basiques de l’histoire et du gouvernement américains. Combien de ministères au gouvernement ? Qui est le Secrétaire d’État ? Combien de sénateurs de chaque État ? Tout le monde riait aux éclats quand, l’une après l’autre, les personnes questionnées donnaient des réponses fausses même aux questions les plus simples. Ce n’est plus drôle du tout. C’est tragique. Et la tragédie se joue à travers la nation chaque jour.
Ainsi si quelqu’un de fortuné désirait ”faire la différence” (et tous disent qu’ils le font), pourrais-je suggérer le financement, dans chaque lycée et université du pays, de cours sur la Constitution et les Documents fondateurs. Y a-t-il quelqu’un qui se demande pourquoi nous avons tant souffert politiquement pendant la pandémie ? Nous avons entraîné quantité de techniciens spécialisés qui ont peu ou pas du tout d’idées sur la façon d’évaluer les résultats qu’ils obtiennent dans leur spécialisation à la lumière des informations et résultats que leur fournissent les autres disciplines. Et très peu comprennent comment ces éléments variés de connaissance technocratique peuvent être organisés de façon à former de sages jugements politiques. Chaque discipline a son propre domaine, sa propre méthodologie spécialisée, et de plus en plus, sa propre idéologie dominante. Ce dont elles manquent, c’est le sens du bien commun.
Individuellement les Américains demeurent ingénieux, créatifs et généreux, même héroïques. Et pourtant, notre establishment politique et nos institutions gouvernementales sont de plus en plus dysfonctionnelles. De moins en moins de gens semblent contents de se soumettre aux limitations constitutionnelles sur les pouvoirs et activités du gouvernement. Ils s’abritent sous la Constitution et ensuite agissent selon leurs propres caprices et désirs de pouvoir, victimes de la présomption que si, avec un peu de pouvoir et de contrôle, je peux déjà faire ce bien important (ou un bien “comme mon groupe le voit”), combien je pourrais en faire davantage en ayant plus de pouvoir et de contrôle sur encore plus de choses ? Le respect pour le génie particulier d’une forme républicaine de gouvernement organisé selon le principe de la séparation des pouvoirs et un système d’équilibre entre ces pouvoirs conduit chaque année à la dictature de la populace (confondue par erreur avec la “démocratie”), au contrôle d’“experts” d’agences bureaucratiques ou au gouvernement par décret de justice plutôt que par débats législatifs. De plus en plus nous nous trouvons soumis à des gens que nous n’avons pas élus, à des scrutins auxquels nous n’avons pas participé, et à des media sociaux que personne ne respecte, excepté ceux qui ont réussi à en faire de l’argent ou les ont manipulés.
Trop souvent les financements soutiennent des causes politiques particulières plutôt que le besoin encore plus grand d’instruction des citoyens en matière constitutionnelle. Je ne pourrais pas faire publier cet appel dans les lieux habituels de la pensée politique conservatrice, trop occupés avec tous les articles accumulés sur les plus récents conflits partisans. Un appel pour des cours sur la Constitution est pour eux chose dépourvue d’intérêt. Les places dans les départements de science politique sont réservées aux idéologues “du bon choix”, et ceux qui sont dans la “science politique” ne voient que peu ou pas de profit ou de prestige à s’engager à soutenir ce qu’ils considèrent comme “le parent pauvre” en “théorie politique”.
Voudriez-vous subventionner un STEM programm2 ou un cours sur l’économie conservatrice, mais non pour un programme sur la Constitution des USA ? Pourquoi pas ? Pensez-vous que nos plus grands problèmes sont que nous n’avons pas assez de techniciens qualifies ou que nous n’avons pas assez de gens qui comprennent et respectent notre forme constitutionnelle de gouvernement ? Allez-vous envoyer votre fils ou votre fille dans un collège ou une université sans un prérequis dans la Constitution et les Documents fondateurs ? Pourquoi ? Plus d’argent est-il plus important que la liberté politique ? De meilleurs gadgets techniques sont-ils plus importants qu’une “liberté organisée ?”
Vous avez ce pour quoi vous payez. Et dès maintenant, les gens paient de grande sommes pour des formes plus grandes et plus envahissantes de tyrannie. Oui, ce que nous avons aujourd’hui est une république, mais seulement si nous pouvons la conserver.
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[(À propos de l’auteur
Randall B. Smith est professeur titulaire de théologie. Son livre. Reading the Sermons of Thomas Aquinas: A Guidebook for Beginners est disponible chez Emmaus Press. Et son livre Aquinas, Bonaventure, and the Scholastic Culture at Paris: Preaching, Prologues, and Biblical Commentary paraîtra à l’automne à Cambridge University Press.)]
- Ou, en français, Le Fédéraliste, revue fondée par certains des Pères Fondateurs.
- Programme qui réunit quatre disciplines (science, technologie, ingéniérie, mathématiques).
Pour aller plus loin :
- Vladimir Ghika : le contexte politique avant la guerre de 1914-1918
- Le défi du développement des peuples et le pacte de Marrakech - la fuite en avant des Nations Unies
- Affaire Ulrich KOCH contre Allemagne : la Cour franchit une nouvelle étape dans la création d’un droit individuel au suicide assisté.
- Quand le virtuel se rebelle contre le réel, l’irrationnel détruit l’humanité
- ÉLECTIONS : LA LEÇON D’ANGLAIS