La lettre que le pape François a adressée aux catholiques à l’occasion du Carême atteint directement les esprits et les cœurs par sa vigueur et sa clarté. De la part de celui qui a fait de la pauvreté une notion phare de son pontificat, on ne s’étonne pas qu’elle constitue le fond de cette monition qui veut éveiller les chrétiens pour la grande quarantaine qui les mène à Pâques. Le pape part d’une citation de saint Paul : « Vous connaissez en effet la générosité de notre Seigneur Jésus-Christ : lui qui est riche, il est devenu pauvre à cause de vous, pour que vous deveniez riches par sa pauvreté » (2 Co. 8,9). La pauvreté nous apparaît donc comme une vertu suprême qui se rapporte au don accompli par le Christ et qui doit inspirer toutes nos existences. Le pape développe le sens de cette richesse dont le Fils est investi de par la confiance et l’amour qu’il reçoit du Père. Et aussi le sens de la pauvreté qui nous communique la miséricorde infinie. C’est elle qui, précisément, nous délivrera de toutes nos misères. Et François de se référer, une fois de plus, à son cher Léon Bloy : « On a dit qu’il n’y a qu’une seule tristesse, c’est celle de n’être pas des saints. Nous pourrions également dire qu’il n’y a qu’une seule vraie misère, c’est celle de ne pas vivre en enfants de Dieu et en frères du Christ. »
Nous autres Français, en lisant ce message, ne pouvons manquer d’associer le nom de Charles Péguy à celui de l’auteur de La femme pauvre, le roman qui se conclut par cette formule sur la tristesse. En effet, le Saint-Père fait une distinction entre pauvreté et misère, qui rappelle très exactement celle opérée par Péguy. Le propre de la misère, expliquait ce dernier dans son Jean Costes, est de déshumaniser celui dont elle s’empare, alors que la pauvreté ne va jamais contre la dignité et la noblesse des personnes. Qui plus est, dans cet enseignement, c’est la pauvreté selon l’Évangile qui nous libère et nous sauve de toutes nos misères, matérielles, morales et spirituelles. « À l’exemple de notre maître, nous les chrétiens, nous sommes appelés à regarder la misère de nos frères, à la toucher, à la prendre sur nous et à œuvrer concrètement pour la soulager. » Notre chemin de Carême est donc tracé, d’une façon particulièrement exigeante : « N’oublions pas que la vraie pauvreté fait mal, un dépouillement sans cette dimension pénitentielle ne vaudrait pas grand-chose. » Voilà de quoi méditer tout au long des semaines pour retrouver l’esprit du Carême, celui d’un dépouillement intérieur, qui, par la grâce du Christ nous libère avec tous nos frères de la misère du péché.