Un manifeste important, signé par 300 personnalités, dénonce un « nouvel antisémitisme musulman » aux conséquences directes. Ainsi 50000 Français juifs ont été contraints de quitter leur domicile en Île-de-France suite aux menaces dont ils étaient l’objet et au harcèlement subi par les enfants dans l’école de la République. La nouveauté de ce manifeste tient dans une demande instante : « Que les versets du Coran appelant au meurtre et au châtiment des juifs, des chrétiens et des incroyants soient frappés d’obsolescence par les autorités théologiques de l’islam. » Question de conscience : des musulmans peuvent-ils signer un tel texte qui dénonce leurs écritures sacrées, même s’il s’agit de quelques passages ? Certains ont explicitement refusé, parce qu’il n’est pas possible de porter atteinte à la lettre du Coran.
Cette difficulté a d’ailleurs été discutée lors de l’élaboration du texte, et on a supprimé la notion de modification pour lui substituer celle d’interprétation. C’est plus qu’une nuance, mais cette rédaction n’a pas emporté d’approbation générale. On saisit les réticences de nombre de musulmans qui ont peur qu’une telle déclaration donne le sentiment que tous leurs coreligionnaires sont potentiellement coupables, ou sont, peu ou prou, complices de l’islamisme radical. C’est vrai que leur situation dans une période de menace d’attentat est spécialement délicate.
Cependant, c’est la question proprement religieuse qui est posée par ce manifeste, qui va bien au-delà des exigences de la paix civile, dans un cadre régulé par la laïcité de l’État. Ce sont les autorités religieuses qui sont interpellées pour une difficulté théologique qui est de leur ressort et dont on sait qu’elle est cruciale pour l’islam dans son ensemble. Si le Coran est, en effet, la parole incréée de Dieu, nul ne peut lui porter atteinte sous peine de blasphème. Et même la notion d’interprétation, ou pour parler savamment d’herméneutique, est suspecte d’aliéner la parole divine. Vouloir rendre obsolètes certains versets, c’est contraindre à de très périlleuses mises au point. N’est-ce pas sur ce terrain qu’un dialogue interreligieux s’imposerait le plus, notamment à partir de l’expérience de l’exégèse biblique entreprise à l’âge moderne ? L’échange sur ce sujet apparaît des plus urgents.
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 24 avril 2018.
Pour aller plus loin :
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