C’est saint Jean XXIII qui avait associé l’événement du concile Vatican II à une nouvelle Pentecôte. C’est lui aussi qui avait évoqué un nouveau printemps pour l’Église. À un demi-siècle de distance, peut-on estimer que ses prévisions ne se sont malheureusement pas réalisées ? En ce qui concerne l’Église d’Occident en tout cas, et de l’Église de France en particulier, c’est d’effondrement que parle l’historien Guillaume Cuchet. Il faut bien admettre qu’au lendemain même du concile, l’Église a été confrontée à un véritable changement de civilisation qui l’a prise au dépourvu. Chronologiquement, on peut désigner trois dates qui marquent autant d’épreuves pour une institution qui s’est trouvée déstabilisée. 1965 : effondrement de la pratique religieuse ; 1968 : révolte du clergé et départ de milliers de prêtres ; 1975 : dispersion du catholicisme de gauche qui avait dominé la scène depuis la guerre, notamment à travers l’Action catholique. Faut-il donc admettre que l’Esprit Saint se serait mis en congé à cette période ? Après tout, et beaucoup plus gravement, on a pu parler d’une éclipse de Dieu au moment de la Shoah.
L’espérance surnaturelle est étrangère à l’optimisme mondain. Elle est, par ailleurs, affrontée à ce que saint Paul appelle le mystère d’iniquité. L’humanisme contemporain, venu des Lumières, a voulu effacer de l’histoire cette présence du mal, en s’autorisant d’un Progrès irrépressible dès lors que c’est la raison qui aurait pris le commandement. Nous savons qu’il s’agissait là d’un aveuglement et que cet humanisme n’a pas évité les grandes tragédies du XXe siècle. Pour les chrétiens, ces tragédies imposent une reconsidération de l’esprit de Pentecôte. À l’origine du christianisme, saint Paul expliquait qu’il n’y avait que la puissance de l’Esprit Saint pour retenir la puissance de Satan. Il y a d’ailleurs eu confusion – et encore récemment – sur la nature de la force qui s’oppose à l’antéchrist. Au progressisme chrétien qui confond l’espérance et l’utopie, correspond la déviation d’un Carl Schmitt qui substitue une force politique à l’action de l’Esprit Saint.
Nous sommes ainsi amenés à revenir à la spiritualité authentique de la Pentecôte, qui est effusion de l’Esprit Saint sur les apôtres, conduisant à leur conversion personnelle avec les grâces qui vont leur permettre d’aller évangéliser les nations jusqu’aux extrémités du monde. La Pentecôte est aussi l’événement qui constitue la communauté ecclésiale à partir d’une âme commune, et de la communication des dons, qui sont d’abord sacramentels. Le retour liturgique annuel nous fait comprendre ce qu’est le temps de l’Église, qui n’a été rendu possible que par la Pâque du Seigneur avec le sacrifice de la Croix. Il n’y aura pas de triomphe définitif du Royaume avant la fin des temps. D’ici là, l’Église ira de commencement en commencement, comme le disait saint Grégoire de Nysse, dans le renouvellement constant de la vie de l’Esprit.
Pour aller plus loin :
- Saint Jean XXIII et saint Jean-Paul II dans une histoire commune
- Le défi du développement des peuples et le pacte de Marrakech - la fuite en avant des Nations Unies
- LA « MODERNITÉ » : UN CENTENAIRE OUBLIÉ
- Vladimir Ghika : le contexte politique avant la guerre de 1914-1918
- La France et le cœur de Jésus et Marie