Une maison divisée mais non sans remède - France Catholique
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La justice de Dieu
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Une maison divisée mais non sans remède

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Il y a trente ans, il devenait déjà manifeste que l’Eglise aux Etats-Unis – et pas seulement là – était profondément divisée. Le différend portait sur l’interprétation de Vatican II et commençait à pénétrer diocèses, congrégations et ordres religieux, et paroisses.

Ceux-ci, et les programmes de formation du clergé et des religieux, se répartirent en deux camps bien identifiés, les orthodoxes et les hétérodoxes. Les premiers comprenaient ceux qui professaient que, nonobstant les nouveautés introduites, Vatican II s’inscrivait dans la tradition de l’Eglise ; les seconds défendaient l’idée que Vatican II fondait une « nouvelle église », considérant la tradition antérieure comme « dépassée » et choisissant ce qui lui plaisait de l’enseignement de Vatican II quand il n’inventait pas quelque chose de toutes pièces.

Le paysage ecclésiastique américain est devenu cet assemblage hétéroclite que nous voyons encore aujourd’hui avec la ligne de partage intellectuelle qui court à l’intérieur des maisons religieuses, des systèmes de formation, des bureaux diocésains, des organisations catholiques nationales et du clergé, des religieux et des laïques, ainsi qu’à l’intérieur même de l’épiscopat. Il n’est pas difficile de se rendre compte du problème. Qu’un conflit moral soit soulevé et la division se manifeste aussitôt, activement ou passivement (au sens que la vraie doctrine de l’Eglise est minorée ou même ignorée).

Les « hippies vieillissants » ont toujours la main sur les leviers du pouvoir dans de nombreux collèges, séminaires, et autres institutions catholiques. Il suffit d’une personne au bon endroit pour influencer recrutement, manuels et message officiel. La conséquence de ce patchwork sur la mission de l’Eglise a été de dissoudre le témoignage rendu par l’Eglise catholique aux Etats-Unis dans nombre de domaines.

Le Père Henri de Lubac (plus tard cardinal), avec sa finesse habituelle, a écrit que dans ce cas, « chacun fait appel à des doctrines ou des partis « extérieurs » aux fins de faire triompher ses propres idées sur celles d’autrui – qui est, en fait, son frère. Quand cela arrive, les querelles entre les fils de l’Eglise non seulement affaiblissent l’Eglise mais elles la défigurent aux yeux du monde : « l’homme psychique n’accueille pas ce qui est de l’Esprit de Dieu » (I, Corinthiens, 2, 14) »

La notion de fraternité se trouve bien au cœur du problème. L’affirmation de doctrines séculières à l’appui de son propre pouvoir a pris le pas sur la nature réelle de l’Eglise comme une communauté fraternelle qui adhère à une seule foi et un seul Seigneur.

La fraternité comme présence « doit être dans ses membres comme elle est en elle-même ; elle doit être à travers nous ce qu’elle est pour nous » (De Lubac). Une telle unité permet au Christ d’être proclamé non comme une image brouillée, non comme différents Christs – Christ libéral ou Christ conservateur, Christ yuppie ou Christ sans-abri. Pas un Christ qui ne serait qu’un prétexte pour nos pauvres efforts pour refaire le monde ou pour nous donner à nous et à notre groupe le pouvoir, à la place du seul vrai Christ.
Heureusement pour nous, comme l’a bien vu de Lubac, « toutes ces dérives sont sans effet contre l’Eglise. Les hommes peuvent manquer d’Esprit Saint mais l’Esprit Saint ne manquera jamais à l’Eglise. Du fait de son témoignage et de ses pouvoirs souverains, elle sera toujours le sacrement du Christ, et le rendra authentiquement et réellement présent à nous. » Ceci signifie que le Christ sait percer à travers le brouillard créé par les mal-informés, les partisans et les franchement méchants. Oui, nous pouvons et devons nous assurer que nous ne sommes pas des obstacles. L’Esprit Saint sous quelque forme informe chaque jour nos consciences et voilà – à travers telle déclaration publique et dans ce que telle personne fait là – le Christ se manifeste et interpelle une nouvelle fois.

Lorsque Karol Wojtyla était prêtre puis évêque sous l’oppression communiste, il avait compris que c’était dans la culture qu’il fallait affirmer ce qui est juste pour l’humanité. Dans des récitations de théâtre clandestines ou des réunions à son domicile (les réunions publiques étaient surveillées), dans les célébrations de la messe dans les champs de Nova Huta (après que le district ait été délibérément laissé sans église), il attestait simplement et clairement la présence de Jésus Christ, et la dignité de la personne humaine dans la société, pour laquelle le Christ est mort. Face à un tel partage entre oppression et oppresseur, la réponse – qui exige grâce et courage – est claire.

Je voudrais dire que la ligne de partage aujourd’hui est en réalité aussi claire. Nous recherchons des hommes et des femmes de prière, incarnations vivantes de la grâce et du courage, qui soient capables de libérer les abondants torrents de l’Esprit Saint sur cette maison divisée, et la rendre à nouveau profondément et manifestement une.


http://www.thecatholicthing.org/columns/2011/a-house-divided-but-not-beyond-repair.html