Une leçon de Lincoln... et notre politique - France Catholique
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La justice de Dieu
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Une leçon de Lincoln… et notre politique

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À qui voulait l’entendre Lincoln déplorait qu’on ne pouvait aborder la question de l’esclavage en aucun endroit — pas dans les églises « ce n’était pas le lieu approprié » pour une question typiquement politique et trop controversive. Ni en réunions politiques, impossible : trop explosive. C’était un sujet moral et religieux trop dérangeant pour nos politiciens. C’était devant nous le plus grave problème. C’était la question fondamentale sur la nature du régime que nous envisagions d’adopter et de la population que nous étions en train de constituer. Et pourtant, pas question d’en parler en public.

Ceci nous ramène à l’une des plus persistantes leçons de Lincoln, avec un problème qui hante en permanence nos politiques : l’une des premières tâches du politicien est d’enseigner, par son propre exemple approprié comment l’homme de la rue peut parler des sujets qui touchent jusqu’à nos racines. Mais se pose la tâche initiale fondamentale ; le (ou la) politicien(ne) devra tout d’abord être parfaitement net(te) sur les questions réellement fondamentales ; les questions d’où, selon Lincoln, tout le reste découlait.

C’est pourquoi, selon lui, cette déclaration : « Tous les hommes sont créés égaux.» était en vérité le « fondement de tout principe moral ». Lincoln le montrait bien, la question du principe de l’esclavage ne pouvait se réduire aux noirs. Un gouvernement acceptant l’esclavage des nègres tolérerait tout autant que certaines catégories de blancs perdent certaines formes de liberté. Un simple changement de désignation de toute une classe sociale (d’ « êtres humains ») pourrait l’écarter du cercle des « porteurs de droits ».

Il y a vingt ans, au cours de la campagne présidentielle de 1996, je m’adressais à un auditoire chic rassemblant l’Union Anglophone de Pinehurst (Caroline du Nord). Je notai que je n’avais soumis ce soir-là à mon auditoire le moindre argument substantiel à propos de l’avortement, ayant bien saisi que ce n’était pas un sujet qu’il était disposé à aborder. Mais je proposai à ces gens cette simple question à méditer : imaginons que nous assistons à un évènement au cours duquel un million deux cents mille membres d’une communauté minoritaire seraient lynchés, mis à mort chaque année dans notre pays sans le moindre contrôle ni la moindre réaction légale. Quelle place devrait-on accorder à cette question parmi les sujets à débattre dans notre monde politique ? Serait-ce de moindre importance que les taux d’intérêt ou le réchauffement climatique, ou les prélèvements obligatoires pour les systèmes de santé ?

Alors, si on versait un œil sur ce qui se passe, avec d’excellentes raisons de penser que ce sont d’authentiques vies humaines détruites chaque année par avortement — des existences incontestablement innocentes ; que les lois relatives à l’homicide n’ont jamais été proportionnées à la taille, au poids, à l’âge ; que tuer un homme de 62 ans n’est pas davantage un homicide que s’il s’agissait d’un petit de 2 ans. Eh bien, à y regarder et en constatant cela, seriez-vous étonnés d’entendre dire que la question ne saurait nullement être considérée comme secondaire ou marginale ? C’est un problème majeur, peut-être plus important que tous les autres.

Quand nos amis de gauche nous disent leur préoccupation à propos de l’emploi ou de la santé publique, nous pouvons leur demander : « Avez-vous souci à propos de l’emploi ou de la santé de chacun, même de ceux que vous ne connaissez pas ? Si vous ne les connaissez pas, comment pouvez-vous penser qu’ils méritent votre attention ?» Réponse immédiate : « parce que ce sont des êtres humains.» Alors, pourquoi exclure ce million (…virgule 2) de petits humains empoisonnés ou désarticulés in utero chaque année ?

M. Ralph Reed révélait récemment que l’avortement est un sujet important pour environ 4 % de la population. Mais se pourrait-il que le public ne s’en préoccupe guère que parce que les politiciens, toujours à l’affût de leur électorat, préfèrent ne pas en parler ? Et croyons-nous vraiment que le public ne serait pas curieux de savoir que 177 élus Démocrates viennent de voter contre des sanctions pour la mise à mort d’enfants survivant à un avortement — que selon les Démocrates le « droit d’avorter » inclut le droit de tuer même l’enfant ayant survécu à un avortement ?

Les politiciens ne sont sans doute pas pressés d’aborder le sujet parce que le public n’a jamais eu l’occasion d’en entendre parler. À l’occasion d’une récente conférence à Princeton, j’ai découvert que presque personne dans l’auditoire n’avait entendu parler de ce vote. Peut-être parce que les médias ont préféré taire l’information.

Mais que penser de deux catholiques notoires, Bret Baler et Megyn Kelly, qui supervisent une large audience sur Fox News ? Ce sont deux personnages marquants, ils interpellent les personnalités politiques, et cependant ne songent jamais qu’il serait judicieux de demander à Hillary Clinton ou Bernie Sanders [N.d.T. : les deux protagonistes Démocrates pour les primaires présidentielles.] de soutenir cette position de leur parti à propos de la mise à mort des survivants à l’avortement.

Mais si un personnage politique use d’un terme tabou, si Donald Trump risque une expression déplacée sur les femmes — rien n’échappera à l’œil vigilant, aux guetteurs attentifs des médias. La question n’éveille pas l’attention des médias car pour eux les vies supprimées par avortement ne comptent pas comme vies humaines.

Mais pour les catholiques des médias, la dérive de cette indifférence morale est un changement bien pire. C’est pour eux une menace de grave érosion de la pensée et de la sensibilité Catholiques.

31 mai 2016

Photo d’Abraham Lincoln, par Alexander Gardner.

Source : https://www.thecatholicthing.org/2016/05/31/lincolns-teaching-and-our-politics/