De la formidable manifestation d’hier, on doit d’abord retenir que la détermination de l’opposition à la déplorable loi gouvernementale sur le mariage est intacte. Rien n’a pu la désarmer, notamment l’étonnante discrétion des médias, les jours qui précédaient un événement, qui, de toute évidence, serait considérable. Il convient de dire aussi un mot sur le traitement médiatique de la manifestation elle-même. Je sais bien que c’est une des lois du genre que de mettre l’accent sur ce qui s’apparente à la moindre violence. L’incident le plus pittoresque, le plus incongru, celui qui fait image, sera toujours privilégié par rapport à la réalité vécue par les participants. Il ne s’agit pas de jeter la pierre à des collègues qui font leur métier avec conscience et à qui leur direction réclame d’insister sur ce qui est susceptible de susciter l’émoi, surtout lorsqu’on peut voir une bagarre de près ou des jets de lacrymogènes en direct ! Mais tout de même, l’essentiel était ailleurs. Pour avoir le pouls de la manifestation, le climat d’ensemble, il fallait être soi-même participant ou se renseigner auprès des intéressés.
Et là, on comprend que c’était une magnifique fête populaire, joyeuse, pacifique, qui se déroulait. Ce qui n’empêchait pas les convictions les plus enracinées, celles qui se rapportent au sens même de l’existence, aux valeurs les plus fortes, celles qui déterminent des choix fondamentaux. Mais cela, c’est très difficile à assimiler pour notre système de communication, d’autant que ce qui se passe en ce moment dans notre pays constitue un véritable scandale, eu égard à la culture dominante et à ses représentations. Ce qui se passe en France provoque de la colère chez tous ceux qui ne peuvent admettre qu’on se mette en travers de ce qu’ils considèrent comme la normativité moderne. Et cela d’autant plus que cette opposition dément, par sa bonne humeur, sa jeunesse, sa décontraction, et même son enthousiasme, les idées toutes faites, les étiquettes qu’on lui colle par avance et d’autorité : ringardise, homophobie, crispation… C’est vrai que le mouvement, qui s’est exprimé le 13 janvier et le 24 mars, pose des problèmes redoutables à la bien-pensance actuelle. Ce qu’on considérait comme négligeable s’affirme extraordinairement vivace, au point de faire penser qu’une promesse est en train de naître et de grandir, qui remet en cause le nihilisme, cette grande maladie moderne, ainsi que la culture de mort.
Chronique lue sur Radio Notre-Dame le 25 mars 2013.