Comment surmonter un tel défi social, qui ne dépend pas seulement d’une mauvaise conjoncture, d’une décision ou d’une réforme impopulaire, mais s’enracine profondément dans le tissu de notre pays ? Par une seule intervention, qu’il avait sûrement travaillée avec le plus grand soin, lui et ses collaborateurs, le président Macron avait-il seulement la possibilité de changer la donne, modifier le climat, disposer d’un minimum d’attention de la part de ceux qui le contestent si violemment ? On pouvait avoir le sentiment que la tâche était démesurée. Le président y croyait-il lui-même ? Sans doute pas. Son objectif n’était pas de convaincre ses opposants, mais de prendre de la distance afin d’exposer les enjeux capitaux du devenir écologique du pays, de la hauteur de vue d’un politique investi d’une responsabilité écrasante. S’il avait voulu convaincre, il se serait directement et uniquement adressé aux gilets jaunes, pour leur faire sentir toute la sincérité de son empathie, sa volonté farouche de leur tendre la main, quitte à se livrer à un exercice presque pathétique.
Cela n’a pas été le cas. Ce n’est probablement pas dans le tempérament d’Emmanuel Macron, qui, pourtant, a esquissé quelques gestes de compréhension, insuffisants pour ébranler une opinion complètement crispée. Dès lors, que peut-il résulter de tout cela ? Est-il vrai que cela ne peut aller que de mal en pis ? Si l’on en croit ce redoutable porte-parole de la contestation qu’est François Ruffin, de la France insoumise, c’est le pire qui nous attend. Dans Libération, il adressait hier une philippique terrible au président. C’était, il est vrai, pour réitérer une première apostrophe publiée pendant la campagne présidentielle : « Vous êtes haï, vous êtes haï, vous êtes haï. Je vous le martèle parce que, avec votre cour, avec votre campagne, avec la bourgeoisie qui vous entoure, vous êtes frappé de surdité sociale (…). C’est un fossé de classe, qui, face à vous, se creuse. »
On peut aussi détester la hargne de François Ruffin, estimer qu’elle nous coince dans une impasse dangereuse. On ne peut l’ignorer, avec l’écho qu’elle a dans le pays, et les conséquences qu’elle entraîne, politiquement. Car il semble bien que l’espace du président s’est considérablement rétréci. Et qu’il n’a plus la possibilité de l’élargir à nouveau. Dès lors, c’est le quinquennat qui est compromis, avec son projet néolibéral de réforme générale et d’expansion économique dans les flux de la mondialisation. Les gilets jaunes ne sont pas un épisode, ils sont le symptôme d’une France bloquée.
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 28 novembre 2018.
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