La question des réfugiés continue à se poser et elle se posera tant que la Syrie sera en guerre et que d’immenses concentrations de populations déplacées continueront à peupler les camps d’accueil au Liban en Jordanie, en Turquie. Pour ces millions de personnes, l’avenir est proprement illisible. D’ailleurs, il l’est pour tout le monde. Qui pourrait dire aujourd’hui quand la guerre s’arrêtera, dans quelles conditions et avec quels débouchés politiques ? On comprend que beaucoup n’envisagent plus leur retour au pays et décident de s’expatrier dans un autre pays où ils pourraient s’établir durablement avec leurs familles, dès lors qu’ils auraient trouvé un travail.
Pour les pays européens, ce n’est pas du tout la même chose d’accueillir des réfugiés ou d’accueillir des migrants qui ont vocation à s’installer chez eux. Nicolas Sarkozy en insistant sur le statut de réfugié, donc de personne en transit, raisonne dans le cadre strict du droit de refuge à ceux qui sont en danger grave. Mme Merkel est dans une autre perspective, parce qu’elle envisage d’ores et déjà une installation durable pour des gens auxquels elle recommande instamment de s’intégrer. On sait que le déficit démographique de l’Allemagne explique largement cet état d’esprit, l’économie ayant besoin d’une main d’œuvre qui n’est pas disponible sur place.
Mais par ailleurs, l’Allemagne n’a pas des capacités infinies d’accueil. L’opinion publique commence à s’inquiéter sérieusement d’un afflux qui ne cesse de croître. On parle désormais d’un million et demi de personnes pour cette année. Du coup, la confiance se dissipe, la chancelière baisse dans les sondages et les autres dirigeants commencent à faire entendre un tout autre discours. Plus largement, comment l’Europe entière pourrait envisager de recevoir la totalité de la population qui a fui les zones de guerre ? Il ne faut pas se faire d’illusions. Il n’y a pas de solution miracle et nous sommes engagés dans des turbulences qui vont peser sur la conduite de l’Europe entière. Et puis, il n’est pas possible de séparer la question des mouvements de population de la stratégie militaire où Vladimir Poutine vient de prendre une option de leadership qui tranche avec les hésitations occidentales.
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 7 octobre 2015.