Que le débat public se fasse le plus souvent à coup de polémiques ne devrait pas nous effrayer outre mesure. Certes, il peut y avoir des dérapages, et il m’est arrivé ici-même de regretter l’impasse dans laquelle s’enferment des échanges trop amers, où on ne cherche qu’à clouer le bec de l’adversaire par une formule définitive, à laquelle l’intéressé répliquera avec autant de férocité. Les choses ne deviennent vraiment intéressantes que lorsque dans la confrontation, on a vraiment le sentiment d’un gain, d’un progrès, d’une ouverture. Non seulement parce qu’on a pu faire comprendre à l’autre un pan de vérité qu’il n’avait pas perçu jusqu’alors, mais aussi parce qu’on s’est aperçu soi-même qu’on était contraint de découvrir des territoires qu’on n’avait pas explorés. Je crois très sincèrement que le débat actuel sur le mariage, précisément en vertu des confrontations difficiles qu’il suscite, constitue une chance authentique d’approfondissement intellectuel.
J’exprime cette opinion à l’intention de ceux qui regrettent que les chrétiens, en défendant fermement leurs convictions, ne s’enferment dans un camp d’irréductibles, prenant ainsi le risque d’être incompréhensibles aux autres et plus généralement à ce qu’on appelle la culture moderne. Cette culture que nos contemporains seraient censés partager, parce qu’elle s’impose à leur époque. Il me semble que la méprise est totale. C’est parce que nous avons le respect de nos interlocuteurs que nous leur devons l’exposé le mieux argumenté possible de nos convictions. Dans la foulée, il importe de rentrer dans la pensée de l’interlocuteur avec toute la disponibilité possible pour en saisir la cohérence. Dès lors, la discussion peut avancer, parfois difficilement, mais rarement en vain.
C’est l’expérience, en tout cas, que je fais non seulement moi-même, mais que je constate autour de moi. D’où mon sentiment que le débat d’aujourd’hui, si âpre soit-il, est une excellente école de formation personnelle et interpersonnelle. Pour beaucoup de jeunes chrétiens, c’est même une étonnante école pour la vie, surtout s’ils se trouvent dans des milieux où leurs convictions sont minoritaires et vivement refoulées. N’ayez pas peur ! N’ayons pas peur du vrai débat intellectuel, il peut être aussi un chemin d’approfondissement spirituel.
Chronique lue sur Radio Notre-Dame le 26 mars 2013.
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