Paris a donc vécu hier une de ces grandes journées qui restent dans les mémoires. La foule, d’évidence, était considérable. L’Élysée l’a reconnu en parlant de « manifestation consistante ». Les trois cortèges, qui ont convergé vers le Champs de Mars, ont donné à la France entière l’image d’un peuple déterminé, où toutes les générations étaient représentées. On a justement souligné le caractère joyeux, festif, familial d’un événement dont il impossible de contester l’importance. L’Élysée, pourtant, affirme sa résolution de mener à bien son projet de « mariage pour tous ». Son communiqué stipule que la volonté du gouvernement est d’avoir un débat au parlement. Faut-il comprendre que le 13 janvier 2013 aurait absolument compté pour rien ? Personnellement, je ne le crois pas du tout. Je note que le même communiqué élyséen tient à reconnaître que la sensibilité qui s’est exprimée hier doit être respectée.
Mais comment respecter cette sensibilité, si l’on refuse obstinément de répondre à ses requêtes et notamment celle qui vise l’organisation d’États généraux de la famille, afin de faire participer le pays à une consultation d’ensemble et à des échanges approfondis sur ce que Mme Taubira appelle elle-même une question de civilisation ? Il est vrai que François Hollande et son gouvernement ont la stricte possibilité de faire voter la loi par la majorité parlementaire en pleine légalité. Mais ce serait au prix d’une profonde déchirure morale. Une déchirure semblable à celle que François Mitterrand avait décidé d’épargner au pays en 1984. Par ailleurs, le président devrait être attentif à un fait vraiment majeur. Grâce à la détermination des adversaires de sa loi, le pays est en train de changer. L’approbation du mariage dit « pour tous » s’effrite dans les sondages, tandis que le refus de l’adoption par les couples du même sexe est désormais refusé par une majorité de personnes interrogées. Et puis, lorsqu’il est question de procréation médicalement assistée, le parti socialiste lui-même se divise. On perçoit alors toutes les dimensions d’une affaire dont la gravité est extrême. Non, décidément, le président de la république ne passera en force qu’au détriment de la paix civile. Une paix si précieuse en nos temps difficiles et à l’heure où la France engage son armée sur un terrain d’opération de guerre.