Une crise de vie  - France Catholique
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Une crise de vie 

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© Philippe Lissac / Godong

L’emploi du mot « crise » est à de multiples usages, au point que l’on pourrait se demander s’il ne désigne pas la situation perpétuelle de l’humanité, souvent incertaine, précaire, objet de controverses et de révisions. Krisis, la racine grecque du mot renvoie au jugement : c’est le malaise ressenti qui oblige à une réflexion, afin de comprendre plus profondément de quoi souffre un corps social, et comment y porter remède. Mais il est des moments où l’intensité du malaise oblige à un examen plus radical, plus décisif. Tel est le cas de l’école aujourd’hui en France.

Des statistiques accablantes

Les données statistiques élémentaires sont simplement accablantes. Dans un récent article du Figaro, Nicolas Baverez résume ainsi l’ampleur de la catastrophe : « La France ne cesse de reculer dans le classement PISA [Programme international mené par l’OCDE, qui vise à mesurer les performances des systèmes éducatifs NDLR], passant depuis 2000 des 15e et 11e rangs aux 23e et 25e en lecture et en mathématiques : plus de 40 % des collégiens de 6e ne maîtrisent ni la lecture, ni l’écriture, ni le calcul. Elle touche aussi les enseignants avec, d’un côté, la progression des démissions et la pénurie des recrutements, et de l’autre l’écroulement de leur niveau. Elle comporte une dimension sociétale, avec la montée des inégalités, mais aussi l’explosion de la violence dans les établissements scolaires… »

Voilà pourtant bien longtemps que le problème est posé. Jean-Pierre Chevènement, héritant du poste de la rue de Grenelle, après l’épisode de guerre scolaire vécu au début du premier septennat de François Mitterrand, voulait en revenir aux fondamentaux de l’école : lire, écrire, compter. Mais plusieurs décennies après les révisions nécessaires n’ont pas eu lieu.

Pourtant, Emmanuel Macron, en nommant Jean-Michel Blanquer comme ministre qualifié, semblait avoir désigné l’homme qui avait opéré le bon diagnostic et capable d’amorcer la contre-offensive.

Son remplacement, l’an dernier, par Pap N’Diaye signifiait-il, selon l’expression du même Nicolas Baverez « le coup de grâce pour l’école républicaine » ? On pouvait redouter que ses préoccupations idéologiques, notamment décoloniales, ne le rendent inadéquat à la fonction. Mais on pouvait tout de même lui laisser sa chance.

Chance compromise par une appréhension inappropriée de la mission de l’école. Il faudrait savoir si celle-ci joue ou non en faveur de la diffusion des savoirs ou d’un modèle social égalitariste. Certes, il s’agit d’assurer au maximum d’enfants la promotion culturelle nécessaire, mais celle-ci ne s’obtient qu’au prix d’exigences qualitatives et non en fonction d’algorithmes érigés en modèles.

Et puis on est toujours ramené à ce qu’écrivait Charles Péguy au début du XXe siècle : « Les crises de l’enseignement ne sont pas des crises de l’enseignement ; elles sont des crises de vie ; elles dénoncent, elles représentent des crises de vie et sont des crises de vie elles-mêmes. » En d’autres termes, une crise de l’école renvoie à la société elle-même, incertaine de ses repères, de son héritage à transmettre. On parle, à juste titre, du mouvement wokiste qui s’est emparé de l’université, mais il concerne la société tout entière, mal assurée d’elle-même et incapable d’offrir à ses enfants une perspective civilisatrice.