Une clé pour la serrure (page quatre) - France Catholique
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« Ô Marie conçue sans péché »
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Une clé pour la serrure (page quatre)

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Dans la mythologie grecque Zeus est appelé « père des dieux et des hommes ». Mais malgré sa remarquable propension à procréer, ce n’est pas tout-à-fait exact. Zeus est le fils de Cronos, et petit-fils d’Ouranos, dieu du ciel. Il a été précédé par toute une génération de titans, frères et sœurs de Cronos, qui s’empara du pouvoir par des alliances stratégiques avec quelques-uns des Titans, Hécatonchyres (munis de cent mains) — des alliés précieux au combat — et Cyclopes.

On le dit « Père » en raison essentiellement de la prééminence que lui donnaient sa force et son intelligence. Ses filles les Muses transmettent une part de ce « savoir-faire » (en Français dans le texte) aux hommes qu’elles veulent favoriser particulièrement. Non seulement ces hommes pourront voir ce qu’il convient de faire, mais ils auront des mots doux comme le miel pour persuader leurs semblables.

En d’autres termes, le système religieux grec est une présentation mythique de la « polis » [la cité] fondée sur la force maîtrisée et sur la persuasion — et parfois sur le mensonge éhonté. Mon propos n’est pas de déprécier la fantastique civilisation grecque. Elle est profondément humaine — mais elle est tombée de haut.

Rien de tout cela dans les premiers chapitres de la Genèse. Je suis frappé par la grande brièveté du récit de la chute, qui, en si peu de mots, touche de plein fouet la moindre tentative, passée ou présente, d’élever des structures politiques sur un autel, avec toute la violence que cela implique.

J’ai déjà noté le terrible changement produit par le péché en Adam et Eve, qui cachent leur nudité. Voyons maintenant leurs réponses aux questions de Dieu, la première étant : « Où es-tu ? »

Dieu n’a nul besoin de demander « en quel endroit te trouver?» Dans les Psaumes, « habiter la maison du Seigneur » ou « admirer la grandeur de Dieu » signifie vivre une relation d’amour. « Où es-tu?» est donc une question existentielle. « Pourquoi n’es-tu pas venu vers moi ? Pourquoi te caches-tu de moi ? Pourquoi m’as-tu rejeté ?»

La réponse d’Adam est une esquive puérile. Il se cache, dit-il, parce qu’il est nu. Et à nouveau on nous dit que la nudité n’est pas un motif de honte. C’est plutôt la honte qui cause l’embarras d’Adam. Il est devenu étranger à son corps et au corps de sa femme. Il ne peut plus être innocent devant son Créateur. Il est condamné au blâme.

Alors, Dieu demande: « Et qui t’a appris que tu étais nu ? Tu as donc mangé de l’arbre dont je t’avais défendu de manger? »

La réaction d’Adam peut être considérée comme sapant toute possibilité de communion et de paix sur terre: « C’est la femme que Tu as mise auprès de moi qui m’a donné de l’arbre, et j’ai mangé ! »

C’est la faute d’Eve. Ou plutôt, non, « c’est la faute de Dieu ». On peut bien broder sur cette réponse, à la manière de Milton dans « Paradise lost’ [Paradis perdu]. « La femme — Tu sais bien, la femme que Tu m’as donnée comme compagne, si parfaite, si désirable, si brillante — « cette femme » m’a donné le fruit.» Puis la voix devient murmure, « et je l’ai mangé.» En une seule phrase Adam établit son inimitié envers Dieu et Eve — coupable comme jamais en tentant de camoufler sa culpabilité.

Eve, « moins diserte », comme le note judicieusement Milton, nous donne sa version: « C’est le serpent qui m’a séduite, et j’ai mangé.» Ce n’est qu’un semblant d’esquive. Le blâme est rejeté sur le serpent — une créature échappant à l’autorité d’Eve; cependant, l’esquive implique quelqu’un d’autre, un insensé, quelqu’un qui croit plus à son propre jugement qu’au respect des commandements de Dieu. Ainsi, Eve prononce sa propre éviction en mettant Dieu de côté.

Je parlerai du jugement divin à tête reposée dans la prochaine page. Pour l’instant, voyez combien ces quelques versets apportent de lumière sur le livre de  » b’reshith » — « au commencement », en Hébreu. Car la Genèse, pour l’œil et l’oreille du lecteur accoutumé à la poésie antique, est une œuvre d’une unicité extraordinaire: si j’ose dire, d’une unicité écrasante et révélatrice, n’épargnant aucune illusion sur la grandeur de l’homme.
Adam et Eve, chassés du Paradis terrestre, engendrent deux fils, Caïn et Abel. Chacun s’engage dans une activité sans laquelle aucune civilisation humaine ne serait possible: Caïn est agriculteur, Abel est berger. Des deux, celui qui semble le plus utile à la cité est l’agriculteur. Aucune agglomération ne survivrait sans ressources ni réserves de grain.

Pour les anciens, c’est la définition de la cité : un lieu abritant des greniers, avec la protection de murailles, d’une organisation politique, et d’une armée. Il n’est pas étrange que Caïn s’éloigne alors de sa famille, construise une cité recevant le nom de son fils. Caïn est l’aîné, et devrait bénéficier du droit d’aînesse.

Cependant, on n’a gardé de Caïn non pas le souvenir de son mandat à la Chambre de Commerce, mais uniquement de sa vilénie. Dieu rejette son sacrifice fait à contre-cœur, et Caïn, jaloux de son frère Abel, l’assassine. « Cependant Caïn dit à son frère… » (verset 4:8) — « dit » employant le mode normal de communication ; le verset ne parle pas de bagarre. Peut-être emmena-t-il Abel dans un coin, le traitant comme son frère, mais avec une intention meurtrière. Et il assassine son frère.

Quand Dieu demande à Caïn « Où est ton frère Abel ? » le fils esquive — comme précédemment son père. « Suis-je le gardien de mon frère ? » demande Caïn, rejetant la question de Dieu entre ses dents. La malice sous-jacente, embusquée en Adam, n’a alors aucune vergogne.

La question purement rhétorique de Caïn, soulignant qu’il est absurde de nous croire gardiens de nos frères, n’est pas qu’un signe d’évasion. C’en est la célébration. Première étape pour les bâtisseurs de cités de par le monde.

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Tableau : Le premier deuil – William-Adolf Bouguereau, 1888.

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Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2012/the-key-that-fits-the-lock-part-four.html