Au terme de la campagne des élections européennes, il faut bien dire un mot du sujet, ce dont je me suis bien gardé jusqu’ici. Non par désintérêt, mais j’avais le sentiment que je n’avais guère à ajouter à tout ce qui se disait dans la campagne officielle et dans l’abondance des commentaires auxquels elle donnait lieu. Si j’interviens finalement, c’est pour essayer de faire le point, modestement, et sans vouloir prendre parti pour les uns pour les autres. Faut-il poser une question préalable ? Avant toute chose, avant de prendre parti, qu’est-ce que l’Europe ? Sans doute un espace géographique. Du moins, est-ce ce que donne à penser l’élargissement progressif d’une communauté et d’une union jusqu’à atteindre ses frontières ultimes. L’Union européenne aujourd’hui c’est quasiment tout le continent européen, moins la Russie. De l’Europe originelle qui comprenait six pays, on en est arrivé à l’Europe à 28 ou à 27.
Cet élargissement, l’histoire semblait l’appeler au lendemain de la chute du mur de Berlin. Comment aurions-nous pu nous dérober à cette partie de nous-mêmes qui avait été cruellement retranchée ? Mais du coup, nous nous sommes rapidement aperçus
que s’il y avait incontestablement une parenté culturelle entre toutes les nations d’Europe, il y avait également des différences notables. C’est sans doute la raison pour laquelle François Mitterrand avait appelé de ses vœux une confédération plutôt qu’une fédération. Jacques Delors avait employé une autre expression, significative d’un paradoxe : une fédération d’États-nations. Ne s’agissait-il pas d’un oxymore ? Il fallait concilier la diversité et l’unité souhaitée. L’expérience a montré que c’était loin d’être évident.
Les élections au Parlement européen se déroulent sous le signe d’un incontestable malaise. Ceux qui comme Emmanuel Macron se réclament d’une dynamique progressiste ne peuvent cacher les difficultés de tous ordres qu’ils rencontrent. Au-delà des solutions techniques, les peuples européens ne doivent-ils pas s’interroger sur ce qui devrait être à l’origine de leur solidarité ? En quoi participent-ils d’un fond commun de civilisation et en quoi ce fondement commun devrait-il signifier à la face du monde une vocation singulière, une volonté de concourir à un projet original ?