Vincent Peillon a dévoilé lundi le contenu d’une charte de la laïcité qui devra être affichée dans tous les établissements scolaires publics. Ce document d’une quinzaine d’articles se veut un rappel des règles du vivre ensemble à l’école. Il ne s’agit là, semble-t-il, que d’un prologue à un autre texte beaucoup plus développé qui permettrait d’enseigner la morale et le civisme. Il avait d’abord été question de revenir à « la morale laïque », ce qui correspondait à un véritable plébiscite d’une opinion publique massivement acquise au retour des impératifs éthiques pour mieux structurer les nouvelles générations. Nous avions remarqué, dès le début du quinquennat de François Hollande, que ce retour à la tradition républicaine constituait un désaveu de la tendance qui avait prévalu dans les années soixante, alors que faute d’accord sur les principes on s’était résolu à abandonner l’apprentissage de la morale kantienne d’antan.
Il fallait qu’intervienne une personnalité singulière pour imprimer un tel tournant à l’Éducation nationale. Philosophe, Vincent Peillon était prédisposé à ce retour aux fondamentaux de l’école de Jules Ferry et de Ferdinand Buisson. Ne s’était-il pas fermement opposé au courant libéral qui, dans les années quatre-vingt, avait signifié un abandon des valeurs républicaines au profit d’une conception plus américaine de la démocratie ? Même à gauche, cette volonté d’en revenir à une sorte d’orthodoxie laïque est loin d’être partagée dans les formations et chez les militants, l’état d’esprit libéral-libertaire ayant conquis l’espace idéologique, ainsi que le déplore un Jean-Claude Michéa, héritier de la gauche populaire.
Si l’opinion est sensible à un recentrage sur les valeurs morales dans un univers tenté par l’anomie et le nihilisme, le volontarisme de Vincent Peillon n’en est pas moins sujet à caution. Charles Péguy, en son temps, avait dénoncé l’impérialisme d’une métaphysique imposée par la République anticléricale. Il y a dans la charte de la laïcité une tentation réelle de démesure, comme si l’école avait l’autorité démiurgique de former les consciences à l’exclusion des autres instances sociales et spirituelles. L’idéologie manque souvent à l’humilité. L’école peut beaucoup pour éduquer les jeunes esprits, grâce aux ressources de la culture. Mais elle ne peut pas tout, elle n’a pas légitimité sur tout. À ne pas circonscrire ses limites elle risque de perdre la confiance qu’une telle charte devrait pourtant susciter 1.
- N’est-ce pas Lepelletier Saint-Fargeau qui affirmait : « Dans l’institution publique, la totalité de l’existence de l’enfant nous appartient » ?