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Quelle est l’histoire de ce lieu ?
La chapelle a un peu plus de quarante ans, elle a été construite sous la gare quand le quartier a été complètement remodelé et la tour Montparnasse érigée. Elle a été inaugurée le 1er septembre 1969. C’était une idée du curé de Notre-Dame des Champs, paroisse dont nous dépendons toujours, qui a été fortement appuyé par un conseiller municipal. Ils ont obtenu un espace dans ce grand ensemble immobilier pour une chapelle. Malheureusement, elle ne communique pas de façon très étroite avec la gare mais nous sommes à quelques pas de l’entrée principale. Nous faisons donc partie des 300 copropriétaires de l’ensemble immobilier de la gare.
À l’origine il y a donc une belle mission évangélisatrice qui part du constat d’un quartier en pleine transformation avec beaucoup de bureaux, où transitent aujourd’hui jusqu’à 50 millions de voyageurs par an. C’est bien que l’Église y soit présente et puisse accueillir une partie de tous ceux qui y passent.
Dès les débuts, avec le premier chapelain, le père Bernard Feillet, une communauté s’est installée, pour la messe du dimanche, mais aussi pour des moments de rencontre en semaine. Au fil des années, la vocation de la chapelle s’est un peu étoffée : l’accueil des gens de passage et des travailleurs du quartier mais également la présence d’une communauté attachée à saint Bernard. Avec aussi, nous sommes dans l’après-68, une histoire un peu tourmentée, avec des innovations liturgiques et de gouvernance.
Depuis septembre 2013, il y a également des membres de la communauté Sant’Egidio, dont je fais partie. Il y a toujours la vocation de rendre l’Église présente dans ce quartier extrêmement vivant avec beaucoup de passage, un grand nombre de personnes qui travaillent, la vie nocturne avec tous les théâtres de la rue de la Gaieté, de nombreuses brasseries… C’est vraiment un lieu où il est important que l’Église soit présente. Il y a des paroisses qui ne sont pas très loin mais qui n’ont pas une position aussi centrale, sur le parvis de la gare Montparnasse, au pied de la tour.
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Qu’essayez-vous d’apporter à ce lieu avec la communauté Sant’Egidio ?
La première dimension qui repart, c’est celle de la prière. À l’époque de la première communauté qui se réunissait ici, notre grande chapelle (environ 200 places assises) était pleine. Cette dimension de prière dans la semaine s’est un peu perdue au cours du temps. Avec Sant’Egidio, nous organisons une prière du soir le lundi et le jeudi autour de la Parole de Dieu. Il y a également un rendez-vous mensuel de prière pour les malades. Une soirée de prière est dédiée à la paix, une intention très chère au cœur de Sant’Egidio : nous faisons mémoire de tous les pays et de toutes les régions en guerre.
L’autre dimension, c’est le service du frère, la charité, vivre l’amitié avec les plus pauvres ; c’est quelque chose de fondateur pour la spiritualité de Sant’Egidio. Ce que nous faisions déjà dans Paris, plutôt dans le 3e arrondissement, vers les Halles, le Marais. Concrètement, c’est la rencontre avec les sans-abri, le lundi soir. Plusieurs petites équipes avec de jeunes professionnels vont dans le quartier de Montparnasse ou vers les Halles pour apporter un geste d’amitié et à manger aux personnes de la rue. Comme on peut l’imaginer, dans le quartier d’une gare on trouve beaucoup de pauvreté.
Il y a d’autres pauvretés auxquelles Sant’Egidio est attentive, comme celle des personnes âgées. Nous avons donc un rendez-vous le samedi après-midi entre de jeunes lycéens et des personnes âgées pour un moment de rencontre entre les générations, d’amitié, d’écoute et de prière.
Il y a également des veillées de prière un peu spécifiques. Par exemple, ce lundi, il y a une veillée en mémoire des martyrs et des témoins de la foi du XXe siècle.
Qui anime ce lieu ?
La chapelle est vraiment tenue par les membres qui l’ont faite vivre au fil des années, la communauté Saint-Bernard, et puis les membres de Sant’Egidio. Il y a aussi quelques groupes qui viennent s’y réunir de temps à autre, notamment une chorale avec des salariés de CNP assurances qui se trouve au-dessus de la gare. Des concerts sont organisés le samedi soir dans la chapelle dont l’acoustique est très correcte.
Nous sommes ouverts assez souvent puisqu’il faut que nous soyons présents dans le quartier. La chapelle est ouverte de 10h à 20h. Le lundi c’est pour le moment fermé l’après-midi mais du mardi au vendredi nous tenons ces horaires. De fait, des gens passent toute la journée, avec évidemment plus de monde aux alentours de midi, pour la pause déjeuner et la messe quotidienne célébrée à midi quinze.
Mais c’est un peu comme toutes les églises, dès lors que la porte est ouverte, il y a des gens qui entrent. Et nous recevons aussi la visite de prêtres en transit, et même parfois d’évêques. Il y a un contraste saisissant entre le bruit de la ville et de la gare que l’on perçoit encore de cette passerelle d’accueil et le calme de la chapelle souterraine.
Le mardi et le jeudi midi, après la messe, nous proposons un atelier, autour d’une vidéo le mardi et de la lecture de la messe du dimanche le jeudi, avec un temps d’échanges et de réflexion après un repas léger.
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Pourquoi ce nouveau vitrail ?
Le lieu a 45 ans et devenait franchement désuet ; la façade n’indiquait vraiment pas qu’on était face à une chapelle. De fait, j’ai des témoignages de personnes qui me disent que, malgré plusieurs passages devant, elles n’avaient pas remarqué qu’il y avait une chapelle jusqu’à maintenant. Et aussi d’autres, qui l’avaient remarquée car c’était quand même écrit dessus, mais qui se décident maintenant à entrer.
Avec les Chantiers du Cardinal, l’idée était de repenser entièrement ce lieu qui servait d’espace de réunion mais était de moins en moins ouvert, pour en faire un signal, une présence marquante de l’Église. L’architecte, François Bévillard, a eu cette intuition d’un vitrail figuratif. On garde la transparence de cette vitrine qui reste ouverte sur la ville et plutôt que d’afficher des posters, on utilise cette technique ancienne dans la chrétienté pour redonner un peu de modernité à ce lieu. Il s’agissait de marquer assez fortement l’identité de l’endroit comme lieu d’Église. Le maître verrier, Jacques Loire, nous a soumis un dessin, que nous avons approuvé. Il fallait quelque chose qui soit aussi lisible par des non-chrétiens. La croix est assez discrète, mais apparaît néanmoins clairement en vert, couleur de l’espérance, et on voit clairement un personnage auréolé.
Naturellement un vitrail a deux côtés et il faut que la lumière passe à travers, donc, de jour, on voit un peu moins de l’extérieur, surtout si l’on est un peu éloigné. De nuit, cela se détache très bien. Et l’enseigne de la chapelle a été refaite, un minuscule clocher a même été ajouté qui devrait, à terme, abriter une cloche.
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Quelle est la symbolique de ce vitrail ?
Le Christ glorieux, descendu de la croix. Entre Pâques et l’Ascension il se montre visible encore à nos yeux. Ce qui est très beau, c’est que le maître verrier, qui était très réticent à dessiner un visage au Christ — nous lui avions suggéré de lui donner plus d’humanité en précisant les traits du visage —, ne l’a pas fait car il voulait que ce soit nous aussi, à l’image du Christ, qui accueillions l’humanité. Mais il a choisi un verre un peu différent, un peu grumeleux, un verre thermoformé, qui donne chair au corps du Christ ressuscité qui ouvre les bras en signe d’accueil, pour rassembler autour de lui tous les hommes, tous ceux qui passent ici. On aperçoit également très clairement, les stigmates de la Passion sur les mains, les pieds et le côté.
http://chapellestbernard.free.fr/
Pour aller plus loin :
- Liste des ouvriers pastoraux, Evêques, Prêtres, Religieux, Religieuses et Laics tués en 2011 et 2010
- « Un curé est marié à sa paroisse »
- Jean-Paul Hyvernat
- Vladimir Ghika : le contexte politique avant la guerre de 1914-1918
- Le défi du développement des peuples et le pacte de Marrakech - la fuite en avant des Nations Unies