Curieuse impression, hier, en ce dimanche hyper politique. C’était comme si nous étions déconnectés du présent et projetés dans le virtuel. Ce n’est pas seulement à cause de la prestation de Jean-Luc Mélenchon, simultanément présent à Lyon et à Aubervilliers par les prodiges de la technique. Benoît Hamon, à sa façon, participait de cette étrangeté car sa prestation parisienne faisait presque oublier qu’il y avait un certain François Hollande à l’Élysée, dont il avait été le ministre. C’était comme si les cinq années passées étaient oubliées, rayées de l’histoire. D’ailleurs, le Premier ministre et la plupart des ministres du gouvernement étaient absents à la Mutualité. Eux aussi étaient oubliés. Le candidat se voulait tout neuf, ne se réclamant que du seul avenir, esquissant un programme qui ne se voulait en phase qu’avec les données d’un monde en radicale mutation. Même impression avec Emmanuel Macron, qui en dépit de ses clins d’œil astucieux à l’histoire, se voulait hors tradition, inventant un mode de culture politique au-delà des stratifications de la partitocratie.
Cette impression était encore accrue par le hors-jeu, dont on ne peut pas dire encore s’il est provisoire, de François Fillon, à cause de ses tribulations. Cette absence de la droite, pour le moment KO, laisse planer un doute sur l’élection. Cette élection que l’on disait imperdable pour elle, elle est en grand risque de la perdre. Bien sûr, on peut penser qu’il y aura ressaisie, mais nul n’est capable encore de dire sous quelle forme et avec quel champion. Quant à Marine Le Pen, on pouvait trouver classique son discours lyonnais, mais la rupture radicale qui découlerait de ses propositions nous propulse aussi dans un autre monde, qui, il est vrai, n’est plus tout à fait virtuel celui-là, puisque ce monde est déjà celui de l’Amérique de Donald Trump et de l’Angleterre du Brexit. Cette présidentielle ne cesse de nous surprendre, elle n’a pas encore livré tous ses possibles. C’est ce qui fait tout son intérêt. Mais au bout du compte, il faudra bien se réveiller. La personne investie de la responsabilité suprême devra passer d’un jour à l’autre du virtuel au réel…
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 6 février 2017.