Cette campagne électorale qui n’a cessé de nous réserver des surprises, certains n’hésitent pas à la qualifier de « baroque ». Le qualificatif baroque a pris une signification qui n’a rien à voir, du moins à mon sens, avec l’art du même nom, dont je suis prêt à chanter les louanges. Si j’en crois le Littré, le baroque concerne ce qui est d’une « bizarrerie choquante ». Vous avez dit bizarre ? Oui, il est bizarre que la droite et la gauche soient menacées d’être évincées de la finale de la compétition. Ce serait une première, si cela arrivait réellement. Dans ce cas, est-il vrai que c’est un autre couple idéologique qui prendrait la place ? Au lieu de l’antithèse droite/gauche, nous aurions le binôme conservateur/progressiste. Mais ce dernier est-il si facilement définissable ?
Le conservatisme en France doit faire valoir ses lettres de créance, ce qui n’a pas lieu d’être chez nos amis anglo-saxons. Mais il est possible qu’il finisse par émerger, si l’on se fie au nombre de livres, d’ailleurs fort intéressants, qui se publient à son propos en cette saison. Quant au progressisme, il semblait appartenir au patrimoine de la gauche et même de l’extrême gauche. Mais il semble que dans son acception nouvelle, il veuille rompre avec son passé, pour réunir tous ceux qui, de sensibilités différentes, veulent inventer du tout nouveau.
Cette configuration politique inédite provoque bien des objections, et même des oppositions résolues. Ainsi, Bérénice Levet, dans un essai fort bien enlevé1, reproche aux néo-progressistes de « planter le drapeau de la victoire partout où l’héritage s’étiole ». Ce contre quoi elle se révolte, en reprenant le mot cruel de Jean-Pierre Le Goff sur cette mentalité qui « combine la rage des sans-culottes et le sourire du Dalaï Lama ». Non, dit-elle « jamais la situation nationale et internationale n’a aussi impérieusement réclamé de retrouver un équilibre entre le besoin de continuité, de stabilité, de préservation et l’aspiration au nouveau qui traverse tout être humain ». Certes, mais le combat politique accuse les antithèses et favorise difficilement la synthèse.