Pour la nuit de la nouvelle année, il est de coutume de passer en famille les heures qui précèdent les douze coups de minuit, pour s’embrasser et se souhaiter mutuellement les meilleurs vœux possibles. Cela fait partie des rites qui contribuent à donner ses couleurs à la vie sociale. Pourtant, depuis mon enfance, j’ai assisté à la disparition progressive d’un certain nombre de ces rites. J’ai connu, en effet, une journée du premier janvier tout entière occupée à rendre visite à ses parents et à ses amis. Il y avait une règle impérative : on allait présenter ses vœux à ses aînés, avant de recevoir à son domicile dans un second temps les vœux de ses cadets. Et pourtant, déjà le cérémonial avait été entamé. Mon père et ma mère me racontaient que leurs propres parents se levaient à cinq heures du matin pour aller étrenner – comme on disait alors – les aînés qui habitaient dans les fermes aux alentours du village, afin d’être de retour chez eux pour recevoir les visites. Et c’était un défilé qui durait toute la journée jusqu’au soir. Tous les visiteurs étaient reçus avec un plateau de gaufres – nous étions dans le Nord – que la maîtresse de maison avait amoureusement confectionnées les jours précédents.
Autres temps, autres mœurs. D’autres festivités ont remplacé les rites d’autrefois, les liens de la famille large s’étant beaucoup distendus. Mais il arrive qu’on soit surpris par un autre rituel inattendu, qui ouvre d’autres perspectives. Ainsi ma paroisse avait organisé pour la nuit, dite de la Saint-Sylvestre, une veillée avec une messe célébrée aux douze coups de minuit. J’avais résolu de m’y rendre, sans trop d’illusions : il n’y aurait vraisemblablement dans l’église qu’un petit groupe de fervents, dérogeant à la règle du réveillon. Quelle ne fut pas ma stupeur de me retrouver dans un sanctuaire plein à craquer, avec une foule soulevée par une extraordinaire ferveur ! Il est vrai qu’avec mes deux petits-enfants, nous faisions exception, étant à peu près les seuls visages pâles de l’assemblée. Ce qui n’empêcha pas notre intégration immédiate et chaleureuse. Cette liturgie de la nouvelle année était littéralement eschatologique, elle donnait un avant-goût de la joie céleste. Oui, le monde change, mais il se pourrait bien que les changements nous propulsent dans un ailleurs différent que celui prédit par nos augures progressistes.
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 2 janvier 2018.
Pour aller plus loin :
- Le défi du développement des peuples et le pacte de Marrakech - la fuite en avant des Nations Unies
- Liste des ouvriers pastoraux, Evêques, Prêtres, Religieux, Religieuses et Laics tués en 2011 et 2010
- Vladimir Ghika : le contexte politique avant la guerre de 1914-1918
- EXHORTATION APOSTOLIQUE POST-SYNODALE « AFRICAE MUNUS » DU PAPE BENOÎT XVI
- LE MINISTERE DE MGR GHIKA EN ROUMANIE (1940 – 1954)