D’où provient l’expression de « belle personne » ? Je n’ai guère eu le temps de m’informer. Tout juste, dit-on, elle nous viendrait de l’anglais. Mais elle me semble tout à fait adéquate pour définir la qualité morale de quelqu’un, qualité qui n’a rien à voir avec la réussite sociale, le prestige mondain, ou encore on ne sait quelle disposition a outrepasser les limites de notre condition, même s’il arrive que la belle personne atteigne l’héroïsme. Mais précisément, cet héroïsme se distingue de la démesure. Il est l’humanité même dans l’éclat de l’épreuve. Je ne puis mieux dire à propos de Noëlla Rouget, qui vient de nous quitter à 100 ans. Elle était donc l’exacte contemporaine de Daniel Cordier, mort il y a quelques jours au même âge. Elle aussi avait appartenu à la Résistance, et cela lui avait valu la déportation à Ravensbrück aux côtés de Geneviève de Gaulle et de Germaine Tillon.
Elle était revenue de Ravensbrück dans le pire état sanitaire. Pourtant, elle avait pu reconstruire sa vie en se mariant et en devenant mère de deux enfants. Mais en 1965, son passé a ressurgi brusquement, avec le procès de celui qui avait été à l’origine de son arrestation et de l’exécution de son fiancé. Le dossier de l’accusé, Jacques Vasseur, était particulièrement lourd et il lui valut le verdict maximum. Ce qui signifiait à l’époque la guillotine. Noëlla plaida en faveur de Vasseur devant ses juges, voulant à toutes fins lui épargner l’exécution. Elle supplia le général de Gaulle d’accorder sa grâce au condamné et elle l’obtint.
Il faut ajouter que Noëlla était une chrétienne fervente. Son frère était prêtre. Ses convictions étaient donc marquées par la différence de l’Évangile. Je tiens à préciser que c’est par la lecture du Monde, un journal avec lequel j’ai beaucoup de difficultés, que j’ai appris qui elle était. Benoît Hopquin avait publié un long article sur elle, il y a plusieurs semaines. C’était vraiment une très belle personne !
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 24 novembre 2020.