L’Assemblée nationale unanime a applaudi le Premier ministre, pour sa défense de l’hebdomadaire Charlie Hebdo, alors que sa rédaction se trouve à nouveau visée par des menaces de mort. Le sujet est ultra sensible depuis le massacre du 7 janvier 2015, qui bouleversa le pays tout entier. Qu’il déclare ou non « Je suis Charlie », ce pays ne pouvait que se dresser contre un terrorisme acharné contre la liberté d’expression. Mais des millions de Français dans la rue n’ont pas désarmé ceux qui voudraient imposer la soumission à tous. Depuis la publication du dernier numéro de Charlie, qui s’en prend à Tariq Ramadan (accusé d’agressions sexuelles à l’égard de plusieurs femmes) une campagne anonyme s’est développée sur les réseaux sociaux pour réclamer vengeance. Riss, le directeur du journal satirique, n’en est pas étonné : « Depuis 2015, déclare-t-il au Figaro, la parole s’est libérée et l’appel au meurtre s’est banalisé, en particulier sur les réseaux sociaux. Aujourd’hui, la violence terroriste peut frapper n’importe qui, et pas seulement Charlie Hebdo. Le “prix à payer”, s’il doit y en avoir un est désormais pour tout le monde. »
Le prix à payer, c’est le prix de la liberté, et d’abord de la liberté de dire. On peut être allergique au style de Charlie et à ses caricatures. Mais il est impossible d’admettre que ses journalistes soient continuellement sous la menace. Cette menace va au-delà d’eux-mêmes, elle nous concerne tous. Il est inadmissible que plane sur une rédaction l’idée d’un retour au drame du 7 janvier 2015. Paradoxalement, les assassins et leurs complices ont réussi à transformer en défenseurs de ce journal tous ceux qui ne l’aimaient pas et parfois le détestaient franchement. Je m’en expliquais ici-même, au lendemain du drame. Certains adversaires nous paraissent indispensables le jour où ils ont disparu, parce qu’ils ne sont plus là pour que nous échangions, même vivement, sur ce qui nous oppose. C’est pourquoi, aujourd’hui encore, il y a unanimité morale autour du Premier ministre, lorsque celui-ci déclare que les menaces de mort ne resteront pas impunies. Il y va de nos convictions les plus fortes.
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 8 novembre 2017.
Pour aller plus loin :
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- Charlie - Que penser ? Que dire ? 3/3
- Je ne suis pas Charlie, par solidarité avec les chrétiens persécutés
- Liste des ouvriers pastoraux, Evêques, Prêtres, Religieux, Religieuses et Laics tués en 2011 et 2010
- La République laïque et la prévention de l’enrôlement des jeunes par l’État islamique - sommes-nous démunis ? Plaidoyer pour une laïcité distincte