Courant Juin la Conférence des Évêques Catholiques Américains se tient en assemblée générale à Baltimore. Les évêques avaient mis fin à leur réunion de novembre sans aboutir à une action décisive quant à la responsabilité épiscopale. Puis — à la demande de S.S. François — ils se sont réunis pour une retraite et les dirigeants des Conférences épiscopales nationales se sont retrouvés à Rome pour un sommet traitant des abus du clergé envers des mineurs. L’Église Universelle rejoint l’Église des États-Unis pour traiter de ces crimes. Ceci peut paraître étrange, mais c’est une saine démarche.
Mais ici, aux États-Unis, subsiste un sentiment tangible de frustration et d’urgence. À Baltimore, les évêques seront confrontés à une tâche inachevée.
Peu après Pâques, une délégation de la Conférence Épiscopale U.S. s’est rendue à Rome pour discuter du programme de Baltimore. S.E. Le cardinal DiNardo ne faisait pas partie de la délégation, retenu par des problèmes de santé. Les évêques ne veulent pas d’un nouveau fiasco tel qu’en novembre dernier, les votes sur les réformes proposées ayant été rejetés à la onzième heure sous l’insistance de Rome.
Un évêque m’a confié qu’attendant en juin les réformes proposées sur la responsabilité des évêques, de nombreux évêques seraient tentés de suivre les Archevêchés de Baltimore et Boston pour instaurer leurs propres systèmes d’information et de responsabilisation. Autrement dit, bien des évêques sont las d’attendre des échos de la conférence de Rome.
La réunion en juin à Baltimore se tient à peu près un an après que les révélations sur l’inconduite sexuelle de Théodore McCarrick ont abouti à des arrangements dans deux diocèses et que les accusations de viol sur mineur ont été mises en lumière. Rappelons que si ses méfaits avaient simplement été commis avec des séminaristes et des prêtres il serait vraisemblablement encore cardinal à présent.
McCarrick a été réduit à l’état laïc récemment cette année, mais bien des questions sur sa longue carrière et sa promotion restent en suspens. Le Saint Siège a annoncé en octobre dernier que S.S. François avait commandé une « analyse approfondie des documents archivés au Dicastère et dans les Services du Saint Siège concernant l’ex-cardinal McCarrick afin de confirmer tous les faits intéressants, de les remettre dans leur contexte historique et d’évaluer leur objectivité ».
La publication des résultats de cette enquête aura-t-elle lieu ? — et quand ? — bonne question. En novembre dernier, les Évêques Américains ont, à une large majorité, voté contre une résolution demandant au Saint Père de publier les conclusions de l’affaire McCarrick. C’était alors un point mineur de l’assemblée de Novembre.
Est-ce un bien ou non, toute publication relative à l’affaire McCarrick serait à présent inextricablement liée — avec complications — aux interventions de l’archevêque Vigano. Partisans comme adversaires de l’auteur ont épluché en détail le témoignage de Vigano. Le Vatican — mais non le Saint Père — a proposé des réponses partielles et des réfutations sur certains points particuliers.
Mais dans cette controverse et selon les réfutations induites, quoi que vous puissiez penser des intentions de l’auteur de cet article, demeure un point fondamental que même les plus acerbes critiques de Vigano reconnaîtront : son témoignage demeure l’unique tentative publique d’une personnalité informée pour apporter une réponse à la question que tous se posent depuis l’été dernier : qui était au courant au sujet de McCarrick, et quand ?
Si la version de Vigano est l’unique publication complète (ou réputée telle), le silence de S.S. François n’a pas laissé entendre qu’elle n’aura pas de suite. Si le Saint-Père n’envisage pas de révéler ce qu’il sait, qui donc ouvrira le bec ?
Le silence du Saint-Père met en particulier l’épiscopat américain dans une situation plutôt embarrassante. Si un évêque pose trop de questions sur la carrière de Théodore McCarrick, il risque d’être étiqueté « Viganiste », manquant de loyauté envers le Saint-Père. Si un évêque garde le silence, ses ouailles peuvent se poser des questions sur son manque de curiosité : « qui savait, et quand ? ». Les gens sont alors susceptibles de s’interroger sur ce qu’il veut cacher.
Alors, des millions de catholiques américains s’interrogent : « Pourquoi un an après le scandale McCarrick et dix-sept ans après la publication de la Charte de Dallas [Ndt : charte publiée en 2002 sur la protection des mineurs] la transparence et les devoirs de pastorale de l’Église sont-ils tenus en retrait des règles (non écrites) de la politique épiscopale. »
L’épiscopat américain aurait à parcourir un long chemin pour effacer la déception de novembre dernier en insistant — respectueusement, publiquement, tous ensemble — auprès du Saint-Père sur l’impérieuse nécessité d’une transparente — autant que possible — publication des conclusions sur l’affaire Théodore McCarrick.
D’évidence, la publication de règles communes sur la responsabilité des évêques et des conclusions incontournables sur l’affaire McCarrick seraient encore bien loin de résoudre le grave problème actuel ; de rétablir la crédibilité des évêques et de panser les plaies de l’Église. Mais il y a urgence, urgence incontournable, à mettre en œuvre de telles actions. Ce serait une première étape pour rétablir la confiance des fidèles, confiance tant malmenée au cours de l’année écoulée.
En vue de commencer à retrouver la confiance des ouailles, les dirigeants du clergé devront commencer par dissiper leur méfiance réciproque. Ceci peut sembler impossible, naïf, mais qu’attendre de bon de la part d’un épiscopat qui a peur de demander à Rome ce dont son troupeau a besoin ? Et comment Rome, sans accorder sa confiance aux bergers, leur apportera l’aide pour dire la vérité désespéremment attendue de ce troupeau ?
9 mai 2019.
Source : https://www.thecatholicthing.org/2019/05/09/unfinished-business/
https://fr.wikipedia.org/wiki/Theodore_McCarrick