Quelles conclusions tirer de cette journée éprouvante de samedi, où les regards furent braqués sur la plus belle avenue du monde, devenue méconnaissable ? Pourtant le pouvoir avait signifié son refus : cette zone hautement symbolique, proche du palais présidentiel, était interdite. Mais cet interdit rendait encore plus impératif le désir de s’approprier les symboles et la proximité immédiate de l’autorité suprême. Les gilets jaunes voulaient un face-à-face et n’avaient nulle envie d’être cantonnés dans un Champ de Mars trop bien balisé et externalisé.
Mais pour quel résultat ? N’était-ce pas un spectacle plutôt pitoyable que celui donné sur les Champs Élysées, avec des casseurs, on a envie de dire professionnels, se substituant aux militants désarmés et souvent désarçonnés ? Comment réagir avec un minimum de cohérence à l’imprévu et à des gens qui n’en font qu’à leur tête, alors qu’il n’y a aucune organisation du mouvement, aucune colonne vertébrale, aucune autorité capable de diriger les choses ? Le principal risque d’un tel spectacle était la décrédibilisation et le discrédit porté sur une entreprise qui, pourtant, dispose d’un appui saisissant dans l’opinion publique.
Cela veut-il dire que les gilets jaunes sont condamnés à brève échéance et que leur mobilisation n’aura été qu’un bref feu de paille? Le ministère de l’Intérieur ne cesse, chaque jour, d’insister sur l’amenuisement du nombre de manifestants, comme pour mieux décourager les irréductibles. Quoi qu’il en soit, les gilets jaunes ont créé un trouble qui s’inscrira durablement dans l’imaginaire social. Et de ce point de vue, les ravages des Champs Élysées illustreront ce qu’il y a de profondément traumatique dans la situation d’une grande partie du pays et qui ne peut que retentir dans la sphère d’un pouvoir forcément ébranlé, et même plus encore affecté par le désaveu de l’opinion. C’est la substance même de sa légitimité qui se trouve atteinte avec ses prétentions progressistes. Tous les regards se tournent vers Emmanuel Macron. Comment sauvera-t-il son quinquennat ? Quelle impulsion peut-il encore donner à son action pour dissiper ce terrible traumatisme ?
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 26 novembre 2018.
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